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« L’usine des Animaux » de Caroline du Saint

jeudi 16 mars 2023, par Sébastien Bourdon

Adieu Veau, Vache, Cochon, Couvée

L’histoire raconte que c’est en visitant les abattoirs de Chicago au début du XXème siècle que Ford inventa sa méthode de production industrielle. Si on peut ainsi démonter un porc en une demi-heure, combien de temps faudrait-il pour, à l’inverse mais selon les mêmes méthodes, construire une voiture. Il est vrai que remettre le porc en état s’avérerait de toutes façons plus complexe.

La complexité de la manipulation du vivant s’amenuisant avec le temps, nous sommes néanmoins capables aujourd’hui, non pas de remettre en route de la viande morte, mais de modifier l’animal pour qu’il donne toujours plus, car que voulez-vous nos appétits sont insatiables. La génétique permet ainsi la fabrique de monstres vivants qui n’auront bientôt plus grand-chose à envier aux effrayantes créatures du Docteur Moreau (H. G. Wells – 1896).

On n’hésite pas parallèlement non plus à éradiquer ce qui est inutile : de nos jours et depuis un moment, tout se jette. Ainsi des poussins mâles, incapables ces cons là de produire des œufs, que l’on broyait ou gazait dès la naissance (jusqu’à ce que l’on s’en émeuve et mette fin à cette pratique en France en janvier 2023).

Chacun se fera son idée de l’application de telles méthodes industrielles au vivant, mises en œuvre sans états d’âme apparents dans un système qui n’a pour but que de produire plus et encore, qu’importe ce dont il s’agit du moment que cela se vend (et on fera ce qu’il faut pour que vous l’achetiez, ce que montre également le reportage).

Le remarquable documentaire dont il est ici question prend le parti de ne pas montrer frontalement certaines abominations, mais plutôt d’expliquer un système par une enquête précise, fouillée et incarnée. L’objectif n’est pas bêtement militant, il s’agit d’interroger ce qui sous-tend un système et le fait fonctionner, pour tirer philosophiquement la réflexion vers le haut.

Le problème n’est en effet pas seulement d’avoir transformé l’animal en produit de consommation courante, du moins ce n’est pas le seul problème. Ce qui glace c’est que, des techniques de reproduction et d’alimentation aux méthodes d’abattage, la bête est prise dans un système d’annihilation complet de son existence que l’on pourrait sans trop d’efforts adapter à l’homme. On l’a d’ailleurs plus ou moins déjà fait par le passé.

De nos jours, le bestiau de ferme est de surcroît sans cesse surveillé par caméras et autres instruments de mesure, pour qu’il puisse donner le « meilleur de lui-même », c’est-à-dire produire, sans cesse et jusqu’à épuisement. Une chosification absolue et définitive, dans une entreprise au stade terminal de la surveillance (et qui n’a plus grand-chose à voir avec les fermes décrites dans les albums du Père Castor).

Dans une société en bout de course, il en faudrait peu pour que nous ne devenions nous-mêmes des animaux similaires, de la naissance jusqu’à la mort (pour se faire une idée, il est vivement recommandé de voir ou revoir « Soleil Vert » de Richard Fleischer – 1973).

Sébastien Bourdon

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