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Seeing is Believing

Genesis - "Three Sides Live" (Blu-ray)

jeudi 13 novembre 2014, par Sébastien Bourdon

La vidéo de l’album live de Genesis, « Three Sides Live », vient enfin d’être rééditée en Blu-ray. La chose date de juin 1982 et avait été filmée lors de la tournée nord-américaine du groupe durant l’hiver 1981. Habitué à être né trop tard dans un monde trop vieux, j’ai bien entendu découvert cet album quelques années après, en cassette audio dans la chaleur de l’été (1989 ?). C’était la montagne au soleil, et je disposais d’un petit radiocassette que je pouvais emporter partout. Du coup, ladite cassette (K 7) ne m’a pas quitté, dans le chalet comme au bord de la Clarée (la fraîche rivière locale), trouvant de l’énergie sur des titres comme « Abacab » ou « Dodo » et cultivant des pensées romantiques et désespérées de fin d’adolescence sur « Evidence of Autumn » ou « You Might Recall ».

Il me semble également avoir fumé des cigarettes en cachette, toujours avec ce disque en fond sonore. Autant vous dire que j’étais sacrément punk à l’époque (mais même pour être punk, c’était déjà trop tard en 1989). Ce n’était pas mon premier album de Genesis, loin s’en faut, mais c’est celui qui s’est le plus attaché à un moment, à un lieu, à un état d’esprit. Tout cela s’est enfui, mais il reste le son, et maintenant, les images.

Ce n’est pas sans appréhension que j’ai donc glissé l’objet tant attendu dans le lecteur ad hoc. Découvrir des images de ces concerts pouvait trahir le sentiment parfaitement pur que la musique seule m’avait jusque là procuré.

Quand le film a commencé, mon dernier né s’est enthousiasmé en criant « KISS !! ». Bon, il est petit et débute sa formation de mélomane.

La projection achevée, beauté du moment, je ne me suis en rien senti trahi et j’ai comme eu une affection encore décuplée pour cette musique (si c’était possible). Rien n’est décevant, même quand certaines chansons sont écourtées au profit d’interviews ou de moments de la vie quotidienne en tournée (New York et la côte Est à la naissance des années 80, c’est pas mal quand même). La puissance de la musique n’est pas trahie par l’image, on sent la joie comme l’effort.

La suite, on la connaît, Genesis, et Phil Collins en particulier, vont devenir énormes et ne plus jouer que dans des stades, avec force lumières et fumigènes, aux dépens d’une certaine forme de liberté. En 1981, ils y sont presque, mais il reste en eux comme l’envie d’en bouffer qui les travaillait à leurs débuts. Ainsi, entre deux dates, les jours de repos, le groupe indique que ne sachant comment s’occuper, il donne des concerts dans de plus petites salles.

Le Blu-ray s’achève avec le titre « Turn It On Again » (contrairement au disque qui lui commence avec cette chanson). Phil Collins est torse nu au-dessus de son pantalon de jogging gris, il chante avec une énergie incroyable, poussant sa voix certes, mais avec un sens de la progression dramatique, en gardant les derniers feux pour la fin. Après avoir hurlé au moins soixante-quinze fois « Turn it on again », il court s’installer derrière sa batterie pour en jouer une dernière fois avant l’issue du concert. Il est mince, sec, il a encore des cheveux qu’il porte courts, il déborde d’une force sidérante alors que la soirée se termine. La coda achevée, il quitte les lieux en se tournant rapidement une dernière fois vers la foule enthousiaste, le pouce levé. Fondu sur noir enchaîné.

Ce sont ces images qu’il faudrait montrer à tous ses détracteurs. Phil Collins (devenu richissime à la force des poignets, au propre comme au figuré) est un type réellement détesté par la critique mondiale de bon ton, hélas souvent ignorante de l’ampleur et de l’extraordinaire variété de ses travaux. Et aussi de cette énergie qu’il pouvait déployer, galvanisante, avec ce charisme totalement inattendu chez un petit prolo anglais dégarni.

Aujourd’hui, on peut partout lire qu’à soixante-trois ans, usé par une longue carrière (qui n’a pas connu que des sommets discographiques, il faut bien le dire), il ne se sent plus la force de remonter sur scène et surtout, du fait de ses problèmes récurrents de mains et de dos, il se révèle incapable de jouer de la batterie comme autrefois. Son acolyte au sein de Genesis de 1971 à 1977, le guitariste Steve Hackett, déclarait à ce propos quelque chose comme, c’est un monde bien triste celui dans lequel Phil ne peut plus jouer de batterie. Je comprends cela très bien, moi aussi, ça m’est insupportable, si j’avais su, lors de la reformation de 2007, j’aurais fait toutes les dates de la tournée. Alors j’écoute toujours, je regarde encore, et me berce ainsi d’une éternelle jeunesse qui n’existe pas.

Turn it on again, please.

Sébastien

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