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Misunderstanding

Phil Collins "Face Value"

jeudi 11 février 2016, par Sébastien Bourdon

Phil Collins « Face Value » (1981)

Phil Collins le dit lui-même dans un titre de cet album, le tonnerre et la foudre ne frappent jamais deux fois (« ‘cos they said thunder and and they said lightning, it would never strike twice »). Et pourtant, dans un état proche de la béatitude, les sens en éveil, on doit confesser un enthousiasme similaire à la toute première fois, après beaucoup d’autres, à l’écoute de la version remasterisée du premier album solo de Phil Collins, « Face Value » (réédition de janvier 2016 d’un album sorti au mois de février 1981).

Ce disque a en quelque sorte dès l’origine été un peu écrasé sous le poids d’un single hors-norme, l’implacable « In The Air Tonight ». Il est vrai que l’arrivée mastoc de la batterie à la fin dudit titre pourrait laisser peu de place au reste, et en l’occurrence à tout l’album où, soyons parfaitement impartial et objectif, absolument rien n’est à jeter.

Si un disque brille parfois de son intégrité sonore d’un bout à l’autre, il en est d’autres qui réjouissent les oreilles par leur infinie variété, donnant à l’auditeur l’impression d’écouter une station de radio éclectique et de bon goût. Le plus fort dans ce dernier exercice est de, nonobstant la disparité des genres et des sons, faire sonner l’ensemble comme un tout cohérent.

Et c’est exactement à cela qu’est arrivé Phil Collins. L’opus, évidemment porté par une batterie aux mérites indiscutables (« Hand in Hand »), alterne les musiciens, les styles et les atmosphères avec une aisance confondante, nonobstant une évidente recherche de perfection continue. Ainsi de « Face Value », l’on peut extraire des hits en puissance comme « I’m Not Moving » ou « I Missed Again », mais également les entendre dans la continuité du disque, et s’étonner de voir à quel point ils s’intègrent aisément à des morceaux plus graves tels que « The Roof is Leaking » ou jazz rock comme « Droned ».

S’agissant d’un premier effort en solitaire, Phil Collins, qui s’était auparavant comme accompagnateur frotté à tous les styles ou presque, trahit donc dans ce disque un appétit de tout essayer, avec des invités de choix. L’écoute laisse également transparaître une douleur sincère, l’album a été composé seul chez lui, femme et enfants ayant déserté le domicile conjugal. Il est vrai que le thème de la désertion féminine reviendra souvent dans ses disques suivants, le garçon semblant avoir décidé de régulièrement faire la fortune d’avocats suisses spécialistes du droit de la famille, après le départ d’épouses plus ou moins dévouées.

Si vous avez 47 minutes et 49 secondes de voiture à faire, n’hésitez pas, prenez le dans cette nouvelle version, fort bien traitée dans sa remasterisation et son emballage, et dégustez, en prenant bien soin de mettre votre ceinture de sécurité et de ne pas omettre de regarder la route. Ne me remerciez pas pour ces moments extatiques à venir, ce n’est pas comme si je vous parlais d’un artiste inconnu en devenir, même s’il il arrive qu’une trop grande célébrité rebute les mélomanes, parfois à tort (justement).

Un mot sur la ballade, genre qui fit ensuite la fortune de Phil Collins. Elles ne s’offrent pas aisément ici à la critique acerbe (le « slow braguette »), notamment avec ce monument de délicatesse qu’est « If Leaving Me Is Easy ». Si l’on n’y prête garde, l’on pourrait presque manquer ce titre, l’avant-dernier du disque, tant le souci de jouer dans la douceur pourrait faire passer à côté de ce petit chef d’œuvre. Dans un sanglot presque silencieux, un homme abandonné, mû par un sursaut de fierté, pense qu’il peut dire à la femme qui l’a quitté que si partir est facile, revenir est plus difficile. L’imprécation est évidemment lugubre et inutile, mais d’une grande beauté, il est inutile de hurler, on sait bien que l’on ne sera pas entendu, la seule chose valable restant à faire est une jolie chanson.

L’album se clôt par le « Tomorrow Never Knows » des Beatles ce qui n’est certes pas forcément original, mais toujours de bon goût, à l’image de celui qui jalonne chaque minute de ce disque.

Sébastien

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