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Hellfest, 27 au 30 juin 2024

mardi 2 juillet 2024, par Sébastien Bourdon

Jeudi 27 juin 2024

À Tout le Monde

Toutes ces journées de pluie pour retrouver enfin le soleil au Hellfest. Réjouissons nous de ce que le festival ait été exceptionnellement planifié aux derniers jours de juin, puisque cette journée fut une des plus ensoleillées qu’on ait connue de longue date.

Arrivés à l’heure de l’apéro, on aperçoit au loin Slaughter to Prevail qui décide de proprement détruire la MainStage et alentours avec force wall of death et double pédale qui sonne quadruple.

On opte plutôt pour une boisson fraîche avant de s’essayer aux sombres arpèges de Dolch sous la Temple. La chanteuse se contorsionne et gémit des inquiétudes sur la fin du monde tel que nous le connaissons.

Le côté linéaire du truc nous amène vers d’autres cieux, et avec Kerry King (ex Slayer), les choses se révèlent aussi denses qu’une crêpe complète. Brutalité et professionnalisme comme on l’aime. Le guitariste de Slayer et sa nouvelle troupe ne déçoivent ni sur disque ni sur scène. Et puis si on joue « Raining Blood » (Slayer), c’est toujours la joie pure dans la baston.

Ces festivités achevées on va savourer les derniers feux de Green Lung, qui achève à la Valley son set au soleil couchant.

Journée décidément marquée par le thrash à l’ancienne, on enquille avec Megadeth sur La MainStage 1. Ce vieux caractériel de Dave Mustaine sait encore y faire avec l’acidité furieuse, et le turnover des musiciens ne change finalement pas grand chose à l’affaire, c’est lui qui porte le truc et ça tombe c’est le sien (de truc). Et même tout ronchon qu’il puisse être d’ordinaire, c’est à un Dave Mustaine souriant, heureux d’être là, que nous avons affaire ce soir, ce qui ne gâte rien.

Et puis quel propos toujours de circonstance que le titre « Symphony of Destruction » (1992) :

« Just like the pied piper
Led rats through the streets
We dance like marionettes
Swaying to the symphony of destruction
 »

Histoire d’éviter un énième groupe de jeunes énervés (et énervant), on se glisse sous l’Altar blindée à bloc pour Dark Tranquility. Heureuse initiative car on tombe sur beaucoup d’enthousiasme et de talent, ce que ne manque pas de saluer un public acquis à la cause.

Sans mollir, on passe de l’Altar à la tente d’à côté, la Temple, pour Shining, qui nous propose une violence industrielle de derrière les fagots. Mais on n’est pas venus à la campagne pour subir des bruits d’usine, on s’esquive pour se sustenter.

Pour finir, ce soir ce sera Sodom et au lit. Avec une efficacité très deutsche qualität, le quatuor de vétérans écrase absolument tout sur son passage, quand bien même une sensation de monolithisme se dégage parfois de cet ensemble bien compact.

Après cette première journée somme toute assez plaisante et équilibrée, on se rend à une nuit déjà bien entamée.

Vendredi 28 juin 2024

The Messenger

Dans la Warzone, le groupe Speed n’entend pas trahir son patronyme : hardcore à l’ancienne, morceaux ramassés, éructations, danse tribale etc. Ils n’ont pas inventé la roue, mais ça fait le job.

Premier dilemme cornélien, national de surcroît : Lofofora ou Klone ? On commence par les premiers, les plus colériques, c’est de circonstance. Pince-sans-rire, Reuno déclare : « On fait du rock alternatif, c’est écrit sur le programme, et on est des anarchistes islamo-gauchistes ! »

Comme dans les chansons, en fond de scène les slogans défilent : « le racisme n’est pas une opinion », « Lofofora nique le R haine » etc. quand surgissent des Femen dépoitraillées, venues rappeler le nécessaire respect dû aux femmes dans les concerts. Las, à être moralisateur, quand le message est déjà dans la musique, cela donne un côté un peu redondant à la leçon assénée.

On finit par quitter les lieux pour rejoindre les aériens de Klone, dont la musique aussi profonde qu’évanescente nous renvoie à un état de grâce, pas si fréquemment trouvé.

Quant à cette gravité mélancolique, elle sied probablement mieux au moment que de longs discours.

Le retour au cagnard avec la brutalité industrielle de Fear Factory fait un sacré choc thermique. Mais ainsi va la vie sous ces cieux, et heureusement, elle varie.

Savage Lands, ou le heavy metal sauve des arbres. Ce groupe de bric et de broc, créé pour une œuvre écologique, n’est pas désagréable, mais sans casser des briques (normal me direz-vous quand il s’agit de faire pousser des plantes). Cela justifie qu’on ne s’y attarde pas une éternité et que l’on rejoigne le leader de Leprous, Einar Solberg, pour une inhabituelle prestation solo.

Pour les amateurs de prouesses vocales intenses, c’était le moment. Mariant vocalises aériennes à des arrangements pop et trip-hop, le chanteur rappelle combien peuvent être variées les séquences musicales offertes ici.

Satyricon pose le décor : comme fond de scène sous la Temple, ce sera une toile de Jérôme Bosch, on sent, on sait, que ce ne sera pas du zouk.

La puissance développée par Satyr et les siens, cette alliance de férocité sur fond de groove implacable, on est en droit d’appeler cela du bonheur pur. Et c’est exactement ce que semble exsuder le bassiste Frank Bello, débauché d’Anthrax pour cette tournée qui de sa légendaire humeur heureuse nourrit plus encore ce black metal nordique.

Il y a une expression qui s’impose à l’issue pour décrire ce qui vient de se produire : écraser la concurrence.

La nuit est tombée, allongés dans l’herbe qui se charge petit à petit de l’humidité du soir, on s’abandonne aux arpèges lents d’Acid King. Bon en fait, c’est chiant.

Heureusement, Biohazard va nous réveiller tout ça, on se croirait à l’Élysée-Montmartre au début des 90’s : c’est bien simple, le passé est vivace, c’est l’arthrose qui est devenue un souvenir.

Ce sursaut d’énergie juvénile nous fait veiller jusqu’à Body Count. Est-ce bien raisonnable, probablement non, mais ça se révèle plutôt sympathique. Finalement plus thrash que crossover (deuxième reprise de « Raining Blood  » de Slayer en deux jours), le groupe cisaille du riff sévère, et le vieux rappeur Ice T y ajoute sa froide autorité charismatique.

À demain (qui est un autre jour).

Samedi 29 juin 2024

More than Words

Esquivons le heavy blues de Blackstone Cherry, « musique de noirs pour amuser les blancs », pour rejoindre la Temple où se produit Wayfahrer. À l’instar des lunettes de soleil du même nom, on est sur une vision obscurcie du monde : musique sombre et martiale, mais avec ce qu’il faut de variation de tempo et d’atmosphères pour emporter le morceau, tout ce qu’on aime. Ils débarquent du Colorado, mais on a l’impression qu’ils sont venus en motoneige.

Ça tombe plutôt bien un concert à l’abri car, d’astre divin, il n’y a plus aujourd’hui… grisaille et ondées, mais s’en fout le climat, on ne se laissera pas gâcher la fête.

Sur une Valley bondée se produit le trio belge Brutus, à la musique aussi originale que pertinente. Menée par une chanteuse-batteuse à la voix d’or (la Phil Collins de l’étape), le groupe réinvente une Björk évanescente et agitée. D’une très grande beauté : more women on stage comme on dit de nos jours.

Les norvégiens de Kvelertak nous rappellent quels sommets de violence musicale sont capables d’atteindre les ressortissants de ces pays d’ordinaire plutôt pacifiques.

Probablement un des groupes les plus festifs du monde contemporain. Même amputé d’un guitariste (deux au lieu de trois), les rythmiques enlevées s’entrelacent toujours admirablement avec les mélodies, tandis que s’époumone leur dynamique hurleur.

On rejoint Extreme sur la MainStage qui déroule son heavy rock élégant et virtuose. Un peu de soleil californien en ces terres clissonaises redevenues un chouïa humides n’est pas pour déplaire. Leur set se promène dans leur longue carrière avec une aisance certaine, ne se contentant pas de surcroît d’enfiler les tubes.

Il y a du monde aujourd’hui, trop même, compliquant singulièrement la circulation ou les accès, phénomène désagréable, accentué par le mauvais temps.

Sur la MainStage, Mass Hysteria appelle avec candeur mais sincérité à la paix et à l’amour. Musicalement c’est pas ouf - intro vaguement electro, grosses guitares avec un minimum d’accords, batterie qui tabasse en binaire - mais pour faire s’agiter le peuple dans la boue, c’est radicalement efficace. Ça n’en reste pas moins musicalement assez léger, et il faut de surcroît endurer pas mal de démagogie.

Se produit ensuite le pire crève-cœur imaginable : devoir choisir entre Bruce Dickinson (en solo, sans Iron Maiden) et Mike Patton (avec son Mr. Bungle plus vraiment d’origine). Pour des raisons presque stratégiques, on choisit Bruce qui nous permettra d’être bien placés pour Metallica ensuite.

Impossible de dire si on a eu tort sur le plan artistique, mais en tout cas sous la pluie battante, Dickinson et les siens ont mis du cœur à l’ouvrage, nous poussant joyeusement à ignorer la flotte qui nous tombait sur la tête. Ce garçon a la soixantaine bien tassée et la voix comme le physique tout semble intact. Si on ajoute une créativité encore vivace, on s’incline devant la prouesse surhumaine.

Il est 23 heures quand enfin s’interrompt cette satanée douche et qu’arrive Metallica. Fidèle à sa réputation, le groupe ne s’est pas économisé (il est vrai qu’ils ont probablement eu le plus gros chèque), mais aurait gagné à produire un set resserré, sans intermèdes inutiles, et avec une setlist moins prévisible, faite d’enchaînements de morceaux trop entendus avec des nouveaux titres plus ou moins convaincants.

La foule est telle que quitter les lieux s’avérera long et fastidieux, et on aura bien mérité nos lits après cette journée harassante. Et demain, ça recommence…

Dimanche 30 juin 2024

Procuration

Clisson, terre d’élection… du Hellfest, nous revoilà pour le dernier jour.

À la faveur d’une annulation, c’est avec délices que l’on retrouve les copains de Karras sous l’Altar, ces derniers faisant une excellente mise en bouche. Et puis avec le retour du soleil, il était prudent de débuter son jogging à l’ombre, même si avec cette brutalité grindcore très participative à l’heure du café, on pouvait friser le claquage.

La vie c’est quand même mieux quand il fait beau (il me semble que Camus a écrit des choses là-dessus), et c’est avec plaisir que l’on retrouve Therapy ? - et nos années d’étudiant au passage - sur la Valley.

Nous on sait pas, mais eux ils ont fort bien vieilli.

Passons ensuite sur la Warzone, pour Show Me The Body. Le truc est difficile à définir, spoken words agressifs avec banjo (?!), mais le côté très prétentieux du chanteur le rend vite insupportable.

Cette ultime journée ayant une programmation à la limite d’un Rock en Seine (Royal Blood, Frank Carter etc.), on tente de protéger ses oreilles du son et sa peau du soleil sous l’Altar avec le Black Metal polonais de Batushka.

Le groupe se distingue plus par son décorum que par sa musique, masques, bures, bougies, encens et tout le tintouin d’une messe orthodoxe : double pédale et chants grégoriens, « la polyphonie, c’est la vie ».

On se déplace vers la MainStage pour Queens of the Stone Age, s’infligeant la fin du set grotesque de Corey Taylor, encore plus clown triste quand il ne porte pas de masque.

Et là, au soleil couchant, ce groupe sorti de nos radars depuis longtemps, investit la scène avec une énergie et un enthousiasme inattendus. La foule est aussi immense que conquise par ce rock n’roll du désert de fort belle facture.

« It’s a beautiful world you’ve got here  ». Les résultats électoraux tombent peu ou prou au moment même où leur leader Josh Homme prononce ces mots…

En tout cas, ici, dans ce « monde merveilleux », on nous a comme rendu notre Josh Homme, un garçon si important pour notre éducation musicale, qu’on avait cru un peu endormi par les trompettes de la notoriété, et qui n’a en réalité rien perdu de sa superbe.

Hasard de la programmation, les festivités s’achèvent avec les Foo Fighters dont la pop énervée et réconfortante fera pendant aux tristes nouvelles de la soirée. On chante, on danse, et le reste on verra demain matin.

Comme le dira Dave Grohl, confirmant le propos précédent de son camarade Josh Homme, « nothing about here seems like hell to me ».

À l’année prochaine…

Sébastien Bourdon

Portfolio

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