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Du pain et des jeux

France – Pays-Bas, Stade de France le 5 mars 2014

vendredi 7 mars 2014, par Sébastien Bourdon

Autant ne pas s’en cacher, j’ai un rapport compliqué avec le football. S’agissant de le pratiquer, enfant, je préférais lire (on me mettait au goal de temps en temps quand même), quand à s’y intéresser, j’ai du décrocher après les figurines Panini du Mondial 1982. Depuis, je me partage entre emballements faciles (coupe du Monde 1998) et dégoût profond pour des abrutis en short incarnant avec un talent indiscutable le pire d’une époque consumériste et décérébrée.

Mais voilà, les enfants ont des passions qui ne sont pas forcément les vôtres et rien ne pouvait faire plus plaisir à l’aîné d’entre eux que d’aller voir, en vrai, un match des Bleus. Et c’est ainsi que nous partîmes rejoindre la foule des grands jours en ce mercredi soir d’un hiver finissant. Sur le quai du métro, j’ai tenté de recueillir auprès de mon fils quelques explications sur l’enjeu du match, je ne crois pas avoir forcément tout compris, mais qu’importe.

En arrivant aux abords du stade, je dois avouer avoir ressenti ce frisson qui m’envahit avant les concerts. Tant de gens impatients et joyeux, c’est forcément communicatif. Et puis, l’entrée dans l’enceinte impressionne, ce monde, ces lumières comme en plein jour éclairant nos vedettes internationales s’échauffant sur cette pelouse au vert anglais sous les premiers hourras enthousiastes (Ribery, en vrai, à quelques mètres de moi !).

Plus douloureux, en revanche, la musique en permanence (l’inévitable Pharrell Williams) et un speaker au quotient intellectuel d’huître avariée, venu surtout là pour nous vendre la soupe des marques parrainant l’évènement. Et la masse de se prêter au jeu, à mon grand désespoir. Ainsi, nous était-il demandé de crier « allez les bleus » le plus fort possible pour gagner des « goodies Carrefour ». Je suis resté coi, mon fils aussi, mais l’enthousiasme de mes congénères m’a fait de la peine, tout ça pour tenter d’attraper au vol des babioles en plastique projetées par des animateurs à l’aide de pistolets à pression. Au secours.

Après cette pause publicitaire, la Garde Républicaine est entrée sur le terrain, dans mon esprit mal tourné a alors jailli cette pensée, le commerce puis l’armée, les moutons sont bien gardés.

Et puis, enfin, le match. Je n’y connais pas grand-chose n’est-ce pas, mais cela m’a semblé être un beau match. Les hollandais n’ont pas beaucoup touché le ballon, ou bien ont-ils « manqué de réussite », toujours est-il qu’ils ont perdu deux à zéro, buts inscrits dès la première mi-temps (Benzema et Matuidi). Et on peut faire le caustique, le cynique, voire le gauchiste, on ne va pas barguigner, c’est quand même chouette un stade qui se lève comme un seul homme quand la balle entre dans les cages.

J’ai aussi en cette occasion vécu l’inévitable complicité entre spectateurs avec mes voisins, et il fallait voir le sourire goguenard de mon fils lorsqu’un honnête père de famille a ainsi tenu à deviser avec moi de l’aisance de Karim Benzema en équipe de France depuis que ce dernier joue à Madrid. J’ai pris un air à la fois pénétré et approbateur qui a, je crois, fait son effet.

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A la mi-temps, encore une louche de Pharrell Williams (on ne se sent pas seul quand on écoute ça dites donc !) et retour du sinistre speaker pour nous présenter un « challenge Crédit Agricole ». Je ne m’étends pas, j’ai déjà tout dit.

La deuxième mi-temps n’a pas vu de buts, mais les français ont continué à dominer « de la tête et des épaules » (je crois que c’est l’expression d’usage). Fort bien placés, nous ne manquons rien ou presque des circonvolutions des joueurs (et admirons aussi de près d’assez beaux travaux capillaires, mention spéciale à notre numéro 19, Paul Pogba). Le spectacle est assez réjouissant et donne une toute autre sensation que celle habituellement télévisuelle. Certains choses nous échappent du fait de l’absence de vue d’ensemble, mais on se sent plus impliqué n’est-ce pas lorsqu’on hume jusqu’à l’odeur de l’herbe mouillée.

Ce match n’a sans doute pas changé grand-chose à mon sentiment sur ce sport, mais pour la joie concentrée de mon fils tout du long, c’était un moment délicieux. Et en plus, on a gagné, ce qui est encore meilleur.

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