Angelin Prejlocaj « Requiem(s) » - le 23 mai, Grande Halle de La Villette

La lumière dans la salle s’estompe alors que montent les notes de System of a Down. Lorsque le noir se fait, commence la danse.

S’enchaînent les tableaux, dans une dominante de noir et blanc de circonstance, zébré de rares et fugitifs éclats de couleurs. Le deuil est partout, les corps aériens des danseurs peuvent aussi être frappés, et on ne sait si ce n’est de la mort ou du deuil qui s’apprêtent à les saisir.

Mais le message est limpide : la mort sans cesse nous rappelle à la vie. La danse et la musique sauvent de « la honte d’être un homme » (Primo Levi).

Comment fait-on avec autant de tableaux pour rester dans l’intensité, tant le sujet ne peut se permettre de temps mort (si on ose dire). La mise en scène est bondissante, comme la musique qui l’accompagne : le metal alternatif de System of a Down précède Mozart et Bach, eux-mêmes s’enchaînant à des boucles rythmiques avant de nous plonger dans le chant médiéval. Si divers soient les accompagnements sonores, ils servent tous le propos.

Quant à la danse, dans la douceur comme dans l’agitation extrême, elle n’est jamais démonstrative ou superfétatoire, mais toujours aussi précise que libératrice.

Et aux dix-neuf danseurs d’occuper l’espace, devenant avec grâce déplacements et décor, tableaux humains en perpétuel mouvement.

De cette armée des ombres jaillit sans cesse la lumière, telle une bougie que même une tempête ne parviendrait pas à souffler.

Sébastien Bourdon