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Tubes de l’été

jeudi 17 août 2023, par Sébastien Bourdon

L’infinité des possibles offerte par les plateformes de musique en ligne me donne toujours un peu le vertige : puisque je peux tout écouter, qu’est-ce je mets ?

Des lectures peuvent donner des idées (ainsi de New Noise, très utile), mais elles s’évanouissent parfois face à la machine. Plutôt que des découvertes, on privilégie alors des vieux trucs familiers qui empêcheront la somnolence routière.

Ainsi des Smashing Pumpkins, exhumés pour l’occasion (quand bien même le groupe est toujours en activité). Ils avaient fière allure à leur surgissement : un gringalet blanc vite devenu chauve (Billy Corgan, voix et guitare), une bassiste gothique fluette et fluo (D’Arcy Wretzky), un guitariste asiatique et énigmatique (James Iha) et un divin batteur aux yeux fous (Jimmy Chamberlin). Dans une interview récente, Billy Corgan racontait que son père, aujourd’hui disparu, lui avait dit, après les avoir vus dans une de leurs premières prestations, « fils, tu fais ce que tu veux, mais ne te sépare jamais de ce batteur ».

Cet assemblage hétéroclite était capable de délivrer sur scène une puissance sonique qui décoiffait même les vieux routiers des revues métal et hard-rock. En pensant aller écouter un groupe de pop indé, ces journalistes tombaient sur un Judas Priest au meilleur de sa forme (je confirme, j’y étais).

Si « Siamese Dreams » (1993) augurait de quelque chose d’un peu costaud, dans le prolongement de « Gish » (1991), la sortie de « Mellon Collie and the Infinite Sadness » (1995), copieux double album, produisait un effet de longue sidération. Les mélopées romanesques et romantiques étaient contrebalancées par des remontées acides aux effluves d’un Black Sabbath sous amphétamines. Mille idées mélancoliques soudainement lacérées par des ruades d’une sauvagerie totale, en faisant un disque inusable par essence.

Et c’est ainsi que l’on se retrouve près de trente ans plus tard sous le soleil toscan à beugler avec la même conviction juvénile derrière le volant de sa voiture climatisée : « despite all my rage, I am still just a rat in a cage ».

Qu’est-ce qui explique que cette région soit épargnée des étalements de parasols à perte de vue, on ne sait. Toujours est-il que même s’il faut raquer pour le parking, à la fin, on se met où on veut dans le sable, sans avoir à endurer de voisins trop proches ou une compil’ « cafe del mare ». L’acquisition d’une ombrellone est quand même chaudement (si j’ose dire) recommandée.

En traversant à vélo la réserve naturelle qui longe la plage, une affiche à caractère didactique prévient de la présence de loups. Probablement pas les mêmes que ceux que l’on peut croiser à Saint-Tropez (ou à Wall Street).

Ferragosto, la fête bat son plein. Sur la petite place sans charme particulier, une population laborieuse en goguette danse en cadence sur des scies estivales. Soudain, le DJ grisonnant balance un vieux tube italien (« I Watussi » de Edoardo Vianello - 1963*) et s’organise alors tout le long de la chanson une chorégraphie simple mais précise. Les enfants - à la bouche débordante de sucreries - comme les ancêtres qui les précèdent exécutent les pas de concert. Si l’arthrose a fait son œuvre, les vieilles dames retrouvent des allures de jeune fille, soudainement habitées par les fantômes de leur propre jeunesse**.

Sébastien Bourdon

*un sensitivity reader trouverait probablement à redire à la lecture des paroles de cette ritournelle…

**sauf erreur, le merveilleux documentaire « Une Jeune Fille de 90 ans » (2016) de Valeria Bruni-Tedeschi se donne en ce moment sur la page d’Arte, on ne saurait trop vous recommander de le voir.

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