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Stendhal et son Syndrome

lundi 14 août 2023, par Sébastien Bourdon

On entend régulièrement parler de ces japonais qui sombreraient dans la dépression tant Paris n’aurait pas été à la hauteur de leurs expectatives. Las, notre bonne capitale est comme la vie, pleine de promesses, mais rares sont celles qui sont tenues. Passé un certain âge on en est pourtant dûment informé et comme le disait Bogart à Bergman : « We’ll always have Paris » (« Casablanca » de Michael Curtiz - 1942).

La mélancolie a ce mérite de transformer en une forme paradoxale de souvenir heureux tout événement vécu, pour peu qu’il soit un peu ancien. Les japonais désespérés par Paris pourront ainsi, bien plus tard, pleurer derechef sur la nullité crasse des Champs-Élysées.

Il est vrai qu’on se fait forcément une idée de ce qu’on ne connaît pas et qu’on s’apprête à découvrir. Ainsi de la Toscane, on imagine du vin rouge, de l’huile d’olive et des pins parasols. A raison, car tout cela s’y trouve, avec la fière allure escomptée, ce qui musclera encore la mélancolie future. Il faut imaginer la Normandie, des terres agricoles à perte de vue, et soudain, la mer (Tyrrhénienne, aux nuances de vert et de bleu un peu plus marquées que dans la Manche).

L’exploitation agricole se double souvent ici d’une forme d’hôtellerie (agriturismo), avec piscine près des étables, noyant l’odeur de chlore sous le parfum finalement plus plaisant de la bouse. De jeunes hommes, bien de leur personne, au laisser-aller vestimentaire subtil, tatoués, pratiquant le surf tout en travaillant à leur projet de premier roman, vous accueillent avec un sourire ravageur dans leur espace bucolique.

La région est évidemment et clairement chic, les tarifs parisiens le trahissent. Pour se nourrir plus économiquement, les sagras, banquets populaires organisés par les associations sportives ou les paroisses, sont à la fois plus exotiques et économiques, pour peu qu’on sache endurer la programmation musicale.

Aux abords du stade ou de l’église du village sont ainsi organisés des barbecues géants de viande ou de poisson arrangés selon les spécialités du cru (gnocchi, cinghale, acquacotta, porcino etc.). En short de jeans et teeshirt floqué à l’effigie de l’organisme organisateur, s’affaire entre les tablées une jeunesse - parfois très jeune - à qui est ainsi enseigné le sens du service à l’italienne.

Sinon, il paraît qu’une quiche sans gluten a dit du mal de la musique d’un boomer réac, et ça nous fait l’actualité estivale dans l’hexagone. Autant vous dire que je m’en tamponne, mais qu’en revanche, pour rester dans la référence géographique et musicale, « Connemara » de Nicolas Mathieu fit une formidable lecture estivale. Savoir aussi bien articuler une critique cinglante de l’époque dans des personnages crédibles et dont les péripéties vous tiennent jusqu’à la dernière page, ce n’est pas si fréquent. Le garçon abuse parfois un peu de la métaphore emphatique, mais franchement, c’est chipoter inutilement que de s’y arrêter.

Sébastien Bourdon

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