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Le concept de fémicide plus fondé que jamais

mardi 13 décembre 2005, par Paul Kirkness

Depuis quelque temps, il arrive que les anglo-saxons prononcent le mot de "gendercide" : une forme de génocide commis sur l’un des deux sexes. Les femmes. Un rapport récent est accablant et démontre bien que le monde est un lieu beaucoup plus cruel pour les femmes que pour les hommes... Et ce en grosse partie à cause de ces derniers.

Ce terme anglo-saxon est assez récent. Le mot « génocide » lui-même est assez récent puisqu’il ne date que de 1943.

L’idée de génocide a été développée par le juriste Juif d’origine polonaise, Raphael Lemkin. Depuis, la communauté internationale reconnaît l’existence de plusieurs autres génocides dont celui perpétré par les Jeunes Turcs sur les Arméniens en 1915, celui des Cambodgiens par les Khmers Rouges de Pol Pot, celui commis en ex-Yougoslavie mais aussi le génocide Rwandais de 1994. A cela, il semble qu’il faudra ajouter le cas du Darfour soudanais. Et il est juste de se demander si les cas du Timor Oriental, des Hereros de Namibie - qui furent décimés par les allemands en 1904 - et quelques autres ne sont pas, eux aussi, des cas de génocides avérés qui mériteraient d’être reconnus.

Mais il est un cas que l’on ne considère guère. C’est l’idée qu’un génocide puisse être perpétré sur les femmes du monde. Les chiffres sont pourtant accablants. Le Centre pour le Contrôle démocratique des forces armées de Genève vient de publier un rapport selon lequel la moitié de la population mondiale - c’est-à-dire les femmes - vivent dans un monde qui est beaucoup plus dangereux que celui des hommes.

Les Nations Unies estiment qu’entre 113 et 200 millions de femmes ont « disparu » démographiquement... Il est évident que cet écart croissant entre naissances de jeunes garçons et de jeunes filles est dû à des avortements de fœtus féminins, à des infanticides dans des pays où les garçons sont préférés - ce qui est le cas dans bien des pays pauvres où la fille « rapporte peu ». Mais il existe aussi bien d’autres problèmes. En effet, les fillettes de la planète passent régulièrement après leurs frères ou leurs pères lorsqu’il s’agit de l’accès à une nourriture de qualité ou à des soins médicaux. Il est estimé que le manque de soin tue annuellement 600 000 femmes lors de l’accouchement (juste en dessous du génocide rwandais). A cela, il faut ajouter les violences domestiques et les viols qui touchent une femme sur trois à travers le monde.

Enfin, il existe encore des crimes « traditionnels » et qui connaissent une recrudescence à travers le monde aujourd’hui. Le premier est le crime d’honneur où un mari, un frère, un père et parfois une mère cherche à assassiner ou défigurer une fille rebelle. Quant à l’Inde, elle est championne du monde de ce que les anglo-saxons appellent un « dowry killing », ou crime de dote - la dote y est pourtant prohibée. La dote, un autre signe que la femme est vue comme moins productive, est demandée, ou racketée de façon extrêmement violente aux femmes qui, si elles ne peuvent pas la récolter sont brutalement massacrés. L’an dernier, près de 6000 morts liés au dotes ont été recensées en Inde. Un chiffre ahurissant.

Au total... Et c’est le plus effrayant, les femmes de 15 à 44 ans ont plus de chance de mourir de la main d’un homme en général que de mourir d’un cancer, de la malaria, d’un accident de la route ou encore au cours d’une guerre.

C’est une véritable catastrophe dont il faut prendre conscience et contre laquelle il faut lutter de façon autrement plus efficace que nous le faisons aujourd’hui. Et c’est d’autant plus important que certaines dérives graves se profilent à l’horizon. En effet, l’UNESCO publie un rapport dans lequel il montre que de plus en plus de filles ne sont pas déclarées par leur parents. Cela ne les range pas parmi les démographiquement absentes dont nous parlions plus haut. Mais cela est grave. En effet, puisqu’elles ne sont pas enregistrées, elles n’ont ni accès aux soins, ni à l’éducation. Cela permet aussi de vendre son enfant avec moins de risque à des criminels qui participent à la traite...

Le gendercide, ou le fémicide, sont des termes que nous allons voir de plus en plus...

Polo

P.S. : Pour les bilingues, je conseille la lecture de Gendercide and Genocide qui est édité par le chercheur Adam Jones. On y apprend énormément et on ne ressort pas indemne d’une telle lecture.

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