« Le Monde après Nous » de Louda Ben Sala Cazanas

Labidi (Aurélien Gabrielli) est un jeune homme fait de promesses dont il est difficile d’affirmer dans l’immédiat qu’elles seront tenues. Fils d’immigrés d’Afrique du Nord (le père est pied noir, incarné par Jacques Nollot), il n’a pourtant pas grand chose des clichés du jeune de banlieue. C’est plutôt l’histoire d’un jeune lyonnais venu chercher gloire et fortune à Paris et qui en attendant, vivote d’expédients.

Labidi n’est toutefois pas Rastignac, et se rêve écrivain. Son ambition est réelle, mais souterraine, elle l’habite, tout en restant dissimulée sous sa gaucherie apparente. Le jeune homme a le culot des timides. Et c’est dans cette exacte forme qu’il aborde Elisa (Louise Chevillotte), déterminé mais terriblement maladroit.

Fauché comme les blés, Labidi incarne avec beaucoup de finesse une génération qui se cherche, pauvre mais bizarrement bourgeoise, avec les appétences intellectuelles et romantiques qui survivent parfois encore dans cette classe sociale. Le film expose cette idée folle qu’est de se risquer dans un Paris réservé aux opulents, montre quelle abnégation est nécessaire pour subsister dans l’hostile capitale (du livreur au vendeur de lunettes, le monde du travail est fort bien dépeint et prend plutôt le part d’en rire).

Mais Labidi s’extrait de ce monde productiviste et absurde par l’amour et l’écriture (difficile quand on tente de survivre de trouver le temps d’écrire toutefois). Il s’épuise dans son adoration amoureuse, est excessif dans sa volonté de chérir Elisa, jusqu’à l’effondrement possible et ponctuel. Ce couple est une bulle tendue, toujours au bord de l’explosion, mais mérite pour Labidi tous les sacrifices puisqu’il n’y a pas de vie possible sans elle.

C’est l’histoire d’un livre à naître, d’une époque et d’un jeune homme qui rêve d’un seul regard pour deux.

Sébastien Bourdon