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Hellfest, 15 au 19 juin 2023

mardi 20 juin 2023, par Sébastien Bourdon

Hellfest, 15 juin 2023, 1er jour

Day and Night (Party)

Retour des files d’attente au Hellfest et dans des proportions inédites ! En effet, après près de deux heures entre la sortie du véhicule et le passage de la cathédrale, on entre enfin sur site… pour refaire la queue pour se réhydrater.

En fond, sur la MainStage, Coheed and Cambria déroule ses arpèges, las, on entendra que la queue de fin du concert.

Sous la Temple, les Imperial Triumphant avancent masqués mais déroulent un tapis de notes dissonantes faisant flirter le free jazz avec le black metal. Le mix de ces deux courants radicaux est donc fait, il existe, mais on en déconseille l’écoute aux âmes sensibles. Il est surtout recommandé de bien ajuster ses protections d’oreilles, le voyage est intense.

Le jour touche à sa fin, on se glisse sous l’Altar pour les grecs de Nightfall. Efficace, mais guère palpitant, on décide d’aller se faire voir ailleurs.

Sur la MainStage des personnes âgées qui ont été punks - Generation Sex (moitié Sex Pistols, moitié Generation X) - achèvent toute idée de jeunesse de ce mouvement, et font même éventuellement douter de son éternité.

On tente la nouvelle Valley, externalisée et extérieure pour cette édition, avec Dvne. On en profite pour adopter la position assise dans l’herbe au soleil couchant, rafraîchissements, élongations et étirements. Il s’avère que ce groupe nous offre notre premier moment réellement mélomane un peu étoffé de la journée, il était temps, on se lève donc pour aller écouter ça de plus près.

En fond sonore les Hollywood Vampires tentent de justifier la resucée de tubes anciens de leurs formations d’origine (Alice Cooper et Aerosmith), mais ne dépassent jamais l’intérêt d’un groupe de bar. Johnny Depp quant à lui pose tellement qu’on s’interroge : c’est un acteur, est-ce qu’il ne jouerait pas à jouer de la guitare ?

Petite gourmandise de début de soirée : un implacable « Solitude » par Candlemass. Poings levés, la foule clame sa volonté de mourir seul (et c’est beau).

Pour être bien placés pour Kiss, on s’inflige les inutilement agités et bruyants Architects. La plaie de l’époque que cette attitude rebelle doublée de refrains pops putassiers, sous une musique qui n’a d’extrême que son intrinsèque médiocrité.

Kiss ou comment se dire adieu ? On n’en finit pas de se faire des bisous depuis quelques années et ils ont à chaque fois un goût de revenez-y. Parce que tant de joie, tant de plaisir, de générosité, ce serait péché que d’arrêter, quand bien même le clap de fin du groupe est prévu pour décembre à New York. Cette fois était donc probablement la vraie dernière, un ultime salut à l’enfance éternelle.

Hellfest, 16 juin 2023, 2ème jour

Énervés de tous âges, unissez-vous

Elegant Weapon nous accueille sur le site. Rien de révolutionnaire, on s’attarde vaguement, juste pour le plaisir d’écouter le miraculé et miraculeux Richie Faulkner frotter sa guitare.

Alors qu’on écoute distraitement Bongripper, stoner instrumental convenu, tombent les quelques gouttes qui menaçaient depuis l’aurore. Pas de quoi couper sa bière, et ça ne fera pas tomber la température, d’ailleurs plus clémente cette année.

A distance heureusement raisonnable, Silmarils agite ses refrains ringards d’énervés franchouillards 90´s, rien qui justifie de faire mieux que d’attendre que ça passe (à autre chose).

Skid Row, débarrassés de leur encombrant mais charismatique chanteur Sebastian Bach, en ont pris un plus jeune, Erik Grönwall, énervé comme il faut, capable de vocaliser dans les aigus comme on le faisait sur le Sunset Strip à la fin du siècle précédent. De la musique de samedi soir californien après la semaine passée à l’usine.

S’ensuit une de ces périodes d’errance dont le Hellfest a le secret, entre bribes de concerts guère convaincants et shopping superfétatoire, mais cette chaleur, ces gens, ce bordel à ranger du côté joyeux, de quoi pourrait-on se plaindre réellement ?

Dilemme : Greg Puciato ou 1349 ? On opte pour le vocaliste exceptionnel, dont la large tessiture promet un joli accompagnement au coucher de soleil sur la Valley. Très énervé d’entrée de jeu, avec un son maousse, Greg épate.

Le set est inhabituellement brutal et complexe en ces lieux d’ordinaire plus axés sur les brumes et le groove, mais cet extrémisme réveille un peu nos corps assoupis. Et ce d’autant qu’il nous offre une version particulièrement percutante du « Them Bones » d’Alice in Chains. Le groupe ne cessera jamais de faire montre d’intelligence et de subtilité, offrant un véhicule particulièrement adapté aux exceptionnelles capacités vocales de Greg Puciato.

On enchaîne avec le rock de stade des vétérans de Def Leppard. La basse écrase un peu tout, mais le professionnalisme des anglais emporte le morceau, et facilement même. C’est pop, c’est un peu sucré, mais c’est délicieux. Sur une scène dépouillée, le groupe semble libéré, jouant le nouveau et l’ancien, pour le plaisir de tous.

Changement radical, parce que c’est quand même un festival de musiques extrêmes, Bloodbath et son death metal d’obédience stricte enchante les extrémistes modérés que nous sommes. Brutal, brut, puissant, caverneux, on se perd en superlatifs tant ce « super » groupe force le respect. C’est un bain de sang à l’ancienne, mais il paraît que cela a des vertus rajeunissantes.

Mötley Crüe n’a clairement pas gouté de longue date à ces bains de jouvence, et leur show un peu trop frelaté nous convainc de ce que ça ira bien pour aujourd’hui.

Hellfest 17 juin 2023, 3ème jour

Les jours du passé futur (ne reviendront pas)

Cette fois c’est une averse un peu plus sérieuse qui nous accueille sur le site. Comme le dira le chanteur de Riverside, «  du rock progressif, et le ciel se met à pleurer ». Le polonais, décidément pince-sans-rire, précisera également que n’étant pas franchement metal, « nous n’utiliserons pas le mot fuck ». Le ciel légitimement impressionné par l’élégance de la musique des polonais s’apaise. Aérien et complexe, mais sans rebuter en sombrant dans l’introspection auto satisfaite, le groupe fait une très belle entrée en matière. La foule s’agglutine progressivement (forcément) et ils quittent les lieux sous les vivats.

Puscifer et son étrangeté passeront ils le plein soleil, telle était la question du jour. On n’avait pas là les conditions idéales pour l’electrorock indus élégant et subtilement décalé produit par ce projet parallèle du chanteur de Tool, Maynard James Keenan. Évidemment, ça fonctionne parce que cette musique intrigante est aussi magnétisante que l’est son leader (et sa troupe).

On file vers la Valley pour retrouver notre vieux comparse Wino et The Obsessed. Leur musique est aussi lourde que la température, la bière est fraîche, ça swingue sauvagement, cette journée est décidément très bien partie. Le groupe est affûté par une tournée qui touche à sa fin et ce ne sont pas les les cheveux gris qui ici trahiraient des défaillances ou fragilités : nés pour perdre peut-être, mais aussi pour durer (quand même).

Nouveau changement radical - ciel que j’aime ce festival - avec les stars du progressif anglais contemporain, Porcupine Tree. Pas d’écran (longue panne), pas d’éclairages ou presque - il fait encore jour - et pourtant tout le monde décolle vers un univers rêvé, entre cauchemars technologiques et humanité résistante et mélancolique.

La bande de Steven Wilson joue à la perfection une musique d’une très grande beauté et sa puissance évocatrice submerge le spectateur soudainement ému.

On a été un peu trop optimistes pour Iron Maiden, et on se pointe seulement une demi-heure avant le début du concert. C’est déjà blindé jusqu’à la gueule, coincés contre la tribune VIP, on prend son parti d’en rire avec des toulousains de passage.

Magie des vieux anglais, on a beau les avoir vus si souvent, on se fait embarquer comme si c’était la première fois, ou plutôt comme l’immanquable répétition d’une joie primitive.

L’enchantement semble même réciproque, le groupe joue tendu et précis, mais tout en sourires et décontraction.

Parce qu’on n’est pas fatigués - non, non - on poursuit avec Clutch. Là encore, on ne compte plus nos retrouvailles avec ces vétérans du boogie-woogie qui bouscule méchamment.

En nocturne, la Valley prend des couleurs orangées qui vont bien avec cette musique au parfum de tequila frelatée et de serpents à sonnettes qui ondulent pendant qu’en sueur, le prêcheur s’acharne à convertir plus encore des masses déjà conquises à la toute puissance du rock n’roll.

Après une joyeuse échauffourée sur « Electric Worry », on reprend notre errance parce qu’on n’est pas fatigués - bon en fait si, mais c’est une fois par an - pour atterrir à distance de la MainStage et vérifier in vivo que Carpenter Brut, c’est bien de la balle. On nous bassine depuis des décennies avec les Daft Punk, essayez plutôt ceux-là, c’est un petit peu plus conséquent en terme d’électro ET de rock (et ce n’est pas moins français !).

Journée proprement magnifique, incroyable, il en reste encore une !

Hellfest, 18 juin 2023, 4ème jour

And in the end

C’est une pluie torrentielle qui s’est abattue dès le matin sur la région, on redécouvre donc les joies de la gadoue au Hellfest…

On a donc les pieds dans la boue, et c’est probablement excellent pour notre arthrose.

Ce rafraîchissement n’empêche pas Hatebreed d’être très énervé sur la Mainstage, mais c’est un peu normal, ils sont payés pour ça.

On mange, on boit, on papote, puis sous une pluie qui revient, on opte pour les toniques Mutoid Man, le genre de types à qui quelques gouttes d’eau ne fait pas peur. Si Stephen Brodsky (guitare, voix) ne manque pas de charisme, difficile de ne pas se focaliser sur leur survitaminé batteur, Ben Koller. Clownesque, technique et véloce, ça n’est pas si commun.

On se fait ensuite un peu de death metal traditionnel avec Benediction sous l’altar. C’est méchant et teigneux, ne vous laissez pas surprendre par leur nom, ce sont des anglais, donc perfides.

La Mainstage accueille ce rigolo de Jack Black avec Tenacious D, ça casse pas trois pattes à un canard boiteux, mais c’est quand même rien chouette. Ça joue, c’est très drôle, mais c’est quand même léger.

Légère, la suite l’est nettement moins, le Pantera reconstitué enchaîne brûlots groove et plombés avec une maestria indiscutable. On a beaucoup glosé sur cette formation dans laquelle manque la moitié des fondateurs (pour cause de décès), mais force est de constater que ça fait le job et plutôt bien.

On écourte toutefois, pour ne point manquer Paradise Lost, parce qu’après toute cette brutalité texane, le spleen gothique anglais fait un heureux pendant.

Et puis, et puis, on y est presque, la fin est proche, il parait qu’il le faut bien. On ne s’embarrasse pas de Slipknot, cette colère artificielle ne nous a jamais trop parlé, quand bien même on leur reconnaît une indéniable efficacité.

On opte pour Testament - on relèvera que leur nom est très adapté à quelque chose qui s’achève - et on a eu raison. Ce thrash virtuose et écrasant, avec un son impeccable, nous rappelle si besoin l’était (spoiler : pas vraiment) pourquoi on aime tant ça et pourquoi, une fois de plus, on était à Clisson. Et pourquoi, aussi, on serait probablement bien triste de ne point en être, une fois encore, l’année prochaine.

Sébastien Bourdon

Portfolio

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