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« Une Vie » de Guy de Maupassant (1884)

dimanche 29 octobre 2023, par Sébastien Bourdon

Cos’è la vita (senza l’amore)

Si d’aventure on se lassait un peu de la littérature contemporaine sur les violences sexistes et la mâle emprise sexuelle et dominatrice, un petit saut dans le passé peut se révéler salvateur, sans minimiser l’importance du thème.

De manière générale, si on a un doute sur ce que l’on pourrait lire, Maupassant fait toujours le job. Plus ramassé que Flaubert, pas moins cruel et au moins aussi au fait de la nature humaine que son illustre aîné, c’est aussi un conteur, mais ayant dès l’origine versé du côté obscur des histoires.

« Une Vie » - dont un titre plus adapté pourrait être « une vraie vie de m… » - n’usurpe pas sa réputation de classique indépassable. C’est un plaisir infini que de le découvrir tardivement, comme probablement de le relire. L’école est loin et on est maintenant en droit de s’y atteler sans avoir un devoir à rendre pour lundi à un professeur de français plus ou moins austère ou chafouin.

Jeanne, fraîche jeune fille normande sortie du couvent, retrouve sa famille aimante, le cœur et le corps pleins d’espérances. Las, elle ne connaîtra que cruelles déconvenues, aucun événement ne se dénouant autrement que par un drame doublé d’une catastrophe (ou l’inverse).

Si une destinée de papier devrait illustrer l’expression « le sort s’acharne », c’est bien celle-là. Et pourtant, il n’y a pas que le hasard à l’œuvre ici, notre malheureuse héroïne est surtout victime d’un système, que l’on qualifiera sans hésitation de patriarcal. Comment un sexe parvient à déposséder l’autre de tout ou presque, avec l’assentiment de la religion, tel est l’implacable constat. On pourra toujours tenter de mettre en travers un père ouvert et bienveillant ou un curé bonhomme qu’à la fin ça ne changera rien ou pas grand chose : l’ordre sociétal est en marche et il est implacable.

La magie de cet admirable roman est d’être d’abord un livre plutôt qu’un pensum idéologique. La narration n’est jamais alourdie par une quelconque volonté démonstrative : ainsi de l’échappée belle en Corse, qui donne le temps de journées ensoleillées, l’illusion sensuelle d’un monde meilleur possible.

Cela se dévore littéralement (si l’on ose dire), faisant de nous un lecteur haletant et sidéré, que la conscience du malheur inexorable n’empêche jamais de vouloir avidement savoir ce qui, ensuite, va se passer.

Sébastien Bourdon

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