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« Bel Ami » de Maupassant (1885)

dimanche 30 août 2020, par Sébastien Bourdon

Loverboy

Le journaliste Georges Duroy, rebaptisé Bel Ami par ses admiratrices, est très sûrement beau mais n’a rien d’amical, quoiqu’il le feigne efficacement.

Ce personnage en quête d’ascension sociale n’est pas sans évoquer d’autres figures littéraires du 19ème siècle (notamment « Le Rouge et le Noir » de Stendhal, et plus encore « Les Illusions Perdues » de Balzac, qui se déroule également dans le milieu de la presse écrite). D’origine normande et modeste, obscur gratte-papier et ancien soldat des antipodes (tout au long du livre, le peu de sympathie que porte Maupassant au colonialisme est assez criant), Duroy aspire à réussir, à appartenir à la « bonne société ».

Pour ce faire, faute de formation ou de relations, il passe par les femmes auprès desquelles son physique avantageux produit grand effet. De maîtresses dévoués en épouse providentielle et utile, tous les moyens seront bons pour tirer de ses conquêtes le meilleur profit.

Ses galants succès auprès de bourgeoises qui s’ennuient lui permettent d’assouvir de surcroît son désir de revanche sociale.

L’élégance n’est évidemment guère de mise dans ses affaires promptement menées. Le mâle qui se rêve dominant se lasse vite, veut plus encore, et les rejette méchamment, quand leurs parades d’amoureuses transies en viennent même à le révulser, « car les paroles d’amour, qui sont toujours les mêmes, prennent le goût des lèvres dont elles sortent  ». Il s’invente d’autres envies, d’autres préférences, qui suivront pourtant ensuite la même voie.

La cruauté des rapports s’exprime sans fards tout au long des pages. Ainsi, de cette vieille maîtresse qui s’emballe maladroitement de découvrir enfin l’amour et le désir et que son amant trouve très vite crispante.

Ou encore les pathétiques manœuvres de la même maîtresse se sentant bientôt éconduite et qui utilise ses relations et les avantages que l’amant pourra en tirer pour tenter de le garder encore un peu.

Cette attitude désespérée fait pendant à la rage de la favorite lorsqu’elle découvre qu’elle n’est évidemment pas la seule, quand elle aurait pourtant toujours du le savoir. Mais qui, de peur de le perdre, pardonne et pardonne encore.

Le livre, à faire ces portraits peu reluisants, ne verse pourtant pas dans la leçon de morale. Maupassant ne se place pas au-dessus de ses personnages, il les accompagne dans leurs destinées, et avec une plume incroyablement vivante décrit un temps et un lieu précis, mais des comportements immémoriaux. Les beaux sentiments ne sont ici pas de mise, la vertu ou l’altruisme ne gouvernent pas les actions humaines, tout n’est ici qu’appétit et ambitions.

L’arriviste Duroy vient nous rappeler que la littérature n’est pas là pour consoler.

Sébastien Bourdon

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