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« Marée Haute » d’après « Les Vaisseaux du Cœur » de Benoîte Groult- Mise en scène de Panchika Velez - Le Lucernaire

jeudi 23 mars 2023, par Sébastien Bourdon

The Secret Marriage

Elle l’a aimé toute sa vie, et rien n’a aboli le sentiment et le désir, ni le temps, ni la distance, ni même la mort.

La seule chose qui les a empêchés toute leur existence, c’est la barrière sociale. La raison l’a emporté chez l’intellectuelle bourgeoise, quelle vie commune aurait-elle pu partager avec ce marin breton fils de paysan ?

Le quotidien tue à plus ou moins petit feu, et aucun ménage n’aurait survécu à la rencontre de personnalités aussi antagonistes. Ce n’est pas du mépris de classe, simplement du bon sens.

De cette impossibilité d’être ensemble quand le sentiment est si fort, sincère et réciproque, la protagoniste (Josiane Pinson) souffre. Et c’est ainsi qu’elle se rend à l’évidence de retrouvailles aussi désirantes que tendres : elle s’abandonne à une soif inextinguible de l’autre qui la saisit invariablement. Prise de délicieux vertiges, elle s’interroge même sur ce qui l’envahit ainsi, mais contre quoi il ne lui viendrait pas à l’idée de lutter.

Alors qu’une ancienne vedette du porno affiche dans toutes les librairies sa perte du désir des hommes - la sexualité hétérosexuelle serait « au service des hommes et de leur plaisir  » - cet éloge franc d’une sexualité joyeusement partagée, avec même un éloge de la pénétration aujourd’hui souvent honnie, fait plaisir à voir et à entendre (et probablement à lire aussi).

C’est d’autant plus plaisant d’entendre évoquer cette joie charnelle réciproque que l’on ne peut guère soupçonner feu Benoîte Groult d’être masculiniste. Ce texte est celui d’une femme libre, qui décide de jouir équitablement de et avec un homme qu’elle aime.

Il en ressort quelque chose d’incroyablement joyeux et vivant. L’actrice sexagénaire seule sur la scène semble comme son personnage n’avoir jamais quitté la jeune femme désirante en elle, et cela aussi, c’est très gai.

Les liens du corps et du cœur ne devraient n’en avoir que faire de l’idéologie comme de la lutte des classes et on sort de là comme revigoré dans ce qu’on a été et que l’on restera jusqu’à son dernier souffle : des êtres de chair et de sang.

Sébastien Bourdon

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