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Le phénomène AMAP - vers une agriculture paysanne

samedi 10 juin 2006, par arthur

Les Associations pour le Maintien de l’Agriculture
Paysanne, initiatives auto-proclamées alternatives à la grande
distribution et même au marché bio, se veulent être un outil développant pêle mêle : la relocalisation de l’économie,
l’écologie locale, le lien social de quartier, l’aide solidaire... Un vrai programme politique à l’heure du "Mieux consommer" (tout, tout le temps et en masse) de chez Carrefour.
Ces initiatives ont-elles du poids face aux vices contre lesquelles elles luttent ? Est-ce le petit joujou d’alter-mondialistes bobos ?
soundsmag.org mène son enquête (presque objective).

Le concept de l’AMAP apparaît il y a plus de 5 ans dans le sud de la
France. il est vrai que le concept de la coopérative n’est pas nouveau
et que les paniers de légumes existaient déjà bien avant ça (et
notamment à l’étranger). Mais ici, un peu comme dans les promotions
dont nous raffolons, il y a du "nouveau" !

Le principe de base d’une AMAP est de rassembler un certain nombre de
personnes qui établissent alors un contrat avec un agriculteur qui leur fournit de manière régulière des paniers de ce qu’il
produit. Ceux-ci sont généralement des paniers de légumes, mais il
existe de plus en plus d’initiatives qui s’intéressent aux autres
"pans" de notre alimentation. Des engagements sont pris par les deux
parties sur un certain nombre de plans que nous allons voir.

Mon implication dans les AMAP n’est pas purement journalistique (rien
ne l’est finalement pour un zine avec les moyens financier de
soundsmag.org). Je fais partie depuis un peu moins d’un an d’une AMAP près
de chez moi (étonnant pour une initiative locale non ?).

Les notions de base

Les AMAP sont des initiatives qui regroupent de nombreux concepts plus
ou moins bien définis, plus ou moins régis par une fédération de ces
associations, et plus ou moins tenus par une charte (en cours de
rédaction) des AMAPs. Parlons tout d’abord des différentes idées que
l’on peut trouver dans ces associations de citoyens et acteurs de leur
vie.

Que trouve-t-on dans les AMAPs ?

Des aliments issus de l’agriculture paysanne

Un des premiers principes est inclus dans le titre de ce type
d’initiatives : l’agriculture paysanne. Nous ne sommes pas exactement
dans la définition de l’agriculture biologique, et je ne rentrerais
pas dans les débats de termes sur les différences entre "paysanne",
"biologique", "raisonnée", "durable", etc (bien que ce débat soit
nécessaire et important dans d’autres circonstances).

Que veut dire l’agriculture paysanne ? Pour simplifier (la FNSEA se
chargera de compliquer la chose) c’est un agriculture dénuée d’engrais
chimiques, de notions de productivisme, d’inattention à la vie de la
terre et du milieu écologique et à taille humaine. C’est un
agriculteur qui prend en compte les contraintes du milieu naturel,
qui se soucie de ne pas polluer ce qui produira demain notre
alimentation.

Un engagement solidaire avec l’agriculteur

L’engagement entre l’agriculteur et l’AMAPien est en partie financier.
Ce dernier, au lieu de payer lorsque le produit est
fini, s’engage sur une certaine période et paye d’avance ses
paniers. Ainsi l’agriculteur n’a pas (trop) besoin de s’endetter et
respecter des objectifs fixés par des prêts et subventions.

Une réduction du temps "commercial"

Au delà de l’engagement financier solidaire qui est pris entre le
l’agriculteur et les AMAPiens ce mode de fonctionnement permet à
l’agriculteur de ne pas avoir à passer une partie de temps importante
sur les marchés ou sur les réseaux de distribution (type Rungis et
négociations avec les grandes surfaces). Ceci est un objectif à long
terme étant donné qu’aujourd’hui, en France, la plupart des
agriculteurs engagés avec des AMAPs continuent à vendre sur les
marchés ou sur leur ferme.

Une alimentation locale, la relocalisation de l’économie

Les AMAPs tentent de remédier à la problématique écologique de la
pollution par le transport des marchandises et la chaîne du froid. Je
ne rentrerais pas dans les détails des différents éléments pollueurs
qui gravitent autour du transport mondial des marchandises, et
notamment lorsque ces marchandises sont des produits frais et
comestibles. Manger des tomates bio produites dans des conditions
sociales correctes qui sont transportés des milliers de kilomètres
constitue, à mon avis, une avancée, certes, mais encore imparfaite.

La problématique de la pollution par le transport est doublement
adressée : le fait d’éviter à l’agriculteur (ou de minimiser) le besoin
de sa présence sur les marchés permet de réduire ses déplacements en
moyen de transport polluant.

Un alimentation de saisons (adaptée à notre milieux naturel)

L’agriculteur engagé avec une AMAP s’engage à cultiver la terre sans
(trop) détourner les contraintes du milieu naturel. Il va donc
cultiver les légumes selon les saisons. Il n’est donc pas surprenant de
devoir manger des pommes de terres et des navets l’hiver et par
conséquent de ne pas pouvoir finir son repas avec des fraises alors
que le temps ne s’y prête pas.

Justement, une des choses que je trouve attrayante est de se voir
fournir un cocktail de légumes que l’on n’aurait pas forcément choisi
et d’improviser en conséquence. Si le choix m’était laissé je
n’achèterais probablement pas de navets, de blettes ou de
topinambours, et pourtant grâce à l’AMAP je suis joyeusement
contraint d’apprendre à les cuisiner et à les apprécier. Une certaine
flexibilité est possible avec la communication entre les AMAPiens et
l’agriculteur sur la composition du panier de légumes (choix fait
ensemble et uniquement visible lors de la saison suivante).

Du lien social avec les acteurs de notre alimentation

Aujourd’hui, au vu de la "complexification" des "systèmes" qui nous
entourent (économie, informations, industries mirobolantes, etc.) il
est parfois difficile d’avoir une compréhension de comment fonctionne
la production de notre alimentation, la visibilité en reste au fait que notre nourriture arrive chez nous plastifiée et sous-vide
(possiblement commandée sur internet !). Voyez simplement comment il fut
difficile (et toujours inachevé) d’implémenter une traçabilité des
viandes bovines à la suite de la crise de la vache folle...

Les AMAP cherchent à établir un lien social plus fort avec les
producteurs de notre alimentation. Pourquoi est-ce un point important
de la démarche ? Les AMAPs visent à établir un rapport de confiance
ainsi qu’un certaine transparence du processus de production de notre
alimentation. Sans rentrer dans un vocabulaire de flicage, les visites
à la ferme permettent de se rendre compte de la bonne foi de
l’agriculteur. On voit peut-être ici l’un des points difficile d’une
convergence globale vers ce genre de fonctionnement. Débat à suivre et
à construire.

Une alternative à la grande distribution

Il me semble qu’un grand nombre de gens sont conscients de la
mauvaise qualité des produits que l’on peut trouver en grande
distribution et également des vices de ce milieu. Tout ce qui concerne
les marges arrières, le fait que la grande distribution condamne cinq
emplois stables pour un emploi précaire créé, la pollution des transports,
etc. Le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond est
omniprésent lorsqu’on fréquente les supermarchés et les hypermarchés
qui poussent comme des champignons en bordure de nos villes (sans
vouloir pomper les admirables mots coléreux d’un ministre maintenant
disparu du spectre politique).

Ceci est relativement neuf : il n’y a pas si longtemps on pouvait
entendre "c’est vrai qu’il existe des gens qui sont contre les
supermarchés ?" (pour ne pas dire anti). La sensibilisation dans ce
domaine est récente, un des initiateurs de cette réflexion est de Christian Jacquiau avec son livre, que je vous recommande, "Les coulisses de la grande
distribution". Pour accès plus immédiat à ces propos vous pouvez
écouter une conférence qui a été enregistré et mis en ligne par
www.bibliotheque-sonore.org.

Une aide solidaire

Un autre aspect de ces associations est de mutualiser le pouvoir
économique de manière solidaire et de pouvoir entrer dans un mécanisme
de solidarité locale, que ce soit en se mettant en contact avec des
associations ou avec des individus participant à l’AMAP. Malgré la
comparaison difficile avec les prix des produits que l’on peut trouver
en grande surface (que l’on y trouve des prix plus bas est encore à
prouver), il est clair que ce genre d’initiative semble inaccessible
aux personnes à faible revenu (notamment les gens qui ne mangent pas
de légumes de toute façon). Et pourtant, les membres des AMAP, conscients de ces
inégalités économiques, travaillent activement sur des moyens
d’adresser cette problématique.

Alors que nous avons fait un tour (rapide ?) des "principes" que l’on
peut observer au sein des AMAPs, nous verrons dans le prochain volet
de ce dossier les fonctionnements et dysfonctionnements de ceux-ci,
leur image médiatique, leur implication et les perspectives qu’ils
taillent dans le paysage politique...

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