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« La Promesse de l’aube » de Romain Gary - Théâtre du Lucernaire

mardi 7 septembre 2021, par Sébastien Bourdon

De Beaux Lendemains

Le Lucernaire est un théâtre de poche où l’on peut parfois se rendre au dernier moment, sur un coup de tête, quand dans les grandes institutions parisiennes, il faut le plus souvent avoir réservé des semaines à l’avance.

C’est le quartier de Montparnasse, un bout coquet de la ville lumière, les habitations sont cossues, et nombreuses sont les institutions gastronomiques emblématiques, de l’Entrecôte à la Coupole. En descendant vers le jardin du Luxembourg, on arrive rue Notre Dame des Champs, pour trouver cette institution qui fait dans le spectacle vivant, mais aussi cinéma.

Les salles sont petites, portent de jolis noms (au dernier étage, c’est même le « Paradis »), et arrivent à s’imbriquer comme miraculeusement dans un espace qu’on imagine riquiqui.

On fait beaucoup dans l’adaptation littéraire en ces lieux. Parlons de ce qu’on y a vu, pour se faire une idée : des romans (« L’angoisse du Roi Salomon » d’Emile Ajar, « La Chute » de Camus), des échanges épistolaires encadrant des contes (« Les Récits de Monsieur Kafka »), des pièces évidemment (« Trahisons » d’Harold Pinter), et même des films (« Elephant Man » de David Lynch).

C’est le genre d’endroit que pourrait tuer une pandémie mondiale, surtout dans un quartier où le prix au m2 est si élevé. Quelles forces en présence pour sauver de l’appétit immobilier un lieu si « essentiel » ?

En ce dimanche de retour d’été en septembre, avec ce qu’il faut d’orages, c’est Romain Gary que nous retrouvons pour une adaptation scénique en solitaire de son roman autobiographique « La Promesse de l’Aube » (mise en scène de Stéphane Laporte et Dominique Scheer, adaptation et jeu, Franck Desmedt). Le texte est connu et on va pourtant le redécouvrir encore, dans sa vigueur et sa drôlerie.

Romain est resté orphelin de l’amour absolu que lui portait sa mère, juive russe exilée : « Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé de manger froid ensuite jusqu’à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances ».

Cet amour l’aurait donc éternellement privé d’un possible réconfort, mais lui aurait toutefois donné les ailes nécessaires - pour voler au sens propre d’abord, puisque Gary fut pilote - puis pour se bâtir une vie trépidante de création, d’aventures et de passions. Jusqu’au suicide final à 66 ans, l’auteur trouvant probablement que la déchéance physique inévitable ne serait pas à la hauteur du parcours flamboyant passé.

Le comédien Franck Desmedt met toute la vigueur et l’énergie possibles à interpréter l’écrivain, l’enfant qui vécut, l’adulte qui raconte, mais aussi sa mère et quelques protagonistes plus éphémères, sans artifice autre que lui-même seul en scène.

La scénographie est simple, mais à y regarder de plus près, c’est un travail aussi admirable que minutieux que de régler les mouvements du comédien et les modestes lumières sur cette petite scène. Ce dispositif porte ainsi une interprétation trépidante, aussi drôle que bouleversante, car on ne parle ici de rien d’autre que de la perte, ce qu’elle vous prend pour toujours, mais aussi ce qu’elle vous apporte et ce qui reste.

On rit beaucoup, parce que les mères juives sont une ressource comique inépuisable, mais jamais à mauvais escient, conscients du ridicule comme de la grandeur de ce qu’on nous raconte là.

Spectacle recommandé donc et comme le disait Romain Gary : « il ne faut pas avoir peur du bonheur, c’est juste un bon moment à passer  ».

Sébastien Bourdon

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