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« La Chanson (reboot) » de Tiphaine Raffier - Espace 1789

samedi 22 avril 2023, par Sébastien Bourdon

A l’ombre des Jeunes Filles en Fleur

Dans une ville surgie soudainement de champs de betteraves au sud de Paris, trois jeunes amies répètent inlassablement tous les jeudis soirs un spectacle de reprises d’ABBA.

Le groupe suédois, ringard dès l’origine mais flamboyant pour l’éternité, constitue la bande-son parfaite de ces lieux factices. Cités surgies de nulle part, elles se sont complétées et nourries de centres commerciaux puis de Disneyland qui a parachevé l’artficialité absolue de l’endroit.

Les légumes ont disparu pour être remplacés par des immeubles sans histoire, mais reconstituant à l’américaine l’aventure humaine de l’architecture. Ainsi on peut être ici partout dans le monde mais en réalité nulle part, au creux d’un réel parfaitement lisse.

Des trois jeunes apprenties chanteuses, l’une d’elle, Pauline (Clémentine Billy) est la narratrice (procédé qui semble cher à la metteuse en scène). Elle se distingue des deux autres par sa qualité de rentière, ce qui la fait errer plus encore dans une vie en apparence aussi vide de sens que l’espace qu’elle occupe. La vie est absurde, mais encore plus dans les agglomérations multipolaires, dénuées de centre-ville, où on ne fait que tourner sans relâche.

« La Chanson », première mise en scène de Tiphaine Raffier sur un de ses textes, date de 2012. Elle est ici revisitée d’où le « reboot » accolé au titre.

Déconstruire la chanson, c’est justement ce à quoi va s’atteler Pauline, pour trouver dans ce bouleversement d’un genre musical un sens à sa vie. Cette fuite créative dans un univers capitaliste prémâché va créer une distance grandissante avec ses amies, elles toujours obnubilées par les concours de sosies.

Pour raconter cette histoire à la forte charge symbolique, Tiphaine Raffier use de divers procédés scéniques avec une imagination visuelle qui la caractérisait dès ses débuts semble-t-il (vidéos, voix off etc.). Les trois comédiennes (Jeanne Bonenfant, Candice Bouchet et Clémentine Billy) se fondent brillamment dans la folie et l’absurdité comique qui toujours peuvent surgir sur scène (ainsi de « la mygale » qu’il faut voir pour croire). Du mutisme au cri, aucune ne se dérobe à l’intensité du spectacle.

Sébastien Bourdon

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