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A Day at the Central

vendredi 5 juin 2015, par Sébastien Bourdon

Pour l’étudiant français possédé par la procrastination, le Diable a inventé les Internationaux de tennis de Roland-Garros. Alors que tombe sur lui la période censément la plus studieuse de l’année, débute simultanément la compétition de tennis la plus diffusée de la radiotélévision française. Pour peu qu’on ait un peu de goût pour la raquette, ce qui était mon cas à l’époque, le moyen le plus radical d’oublier les examens si proches était à portée de main, et ce avant même l’invention de la télécommande.

Cette possibilité de fuir le dur labeur étudiant en a mené certains à le terminer sagement pour ensuite enfin bifurquer vers ce joli sport, non pas en tant que praticien, mais en tant que spécialiste de celui-ci (j’en connais au moins un qui a suivi ce parcours). Aimez toujours, ne comptez surtout pas, telle serait la morale.

Quand on est un peu plus fortuné ou pistonné, il est de bon ton de se rendre sur place et jouir plus complètement du spectacle de joueurs plutôt bien de leur personne tapant avec une obstination quasi maladive sur une petite balle jaune qui n’en demandait pas tant. La dernière fois que je m’étais déplacé en ces lieux bourgeois remontait sans doute à une bonne trentaine d’années, en compagnie d’un camarade de classe et de feu ma grand-tante (une petite dame tout ce qu’il y avait de plus formidable). Je vous parle ici d’un temps où l’on pouvait voir glisser sur la poudre orange le glaçant Lendl ou savourer un Noah/Wilander de derrière les fagots.

Et donc, de retour en un samedi ensoleillé porte d’Auteuil, je me familiarise à nouveau avec cet univers, tout en me demandant s’il a évolué. En sortant du métro, je réalise en regardant mes fils, qu’on s’est clairement gouré de dresscode, ces derniers portant vestes patchées et teeshirts Motörhead. Mais s’en fout le sport, on peut parfaitement assister au match sans nécessairement porter, comme la majorité des spectateurs (du moins ceux qui bénéficient des meilleures places), un polo Lacoste et des mocassins Tod’s.

En entrant dans ce véritable fort Knox qu’est devenu Roland-Garros (fini le temps où l’on pouvait refiler sa place en partant plus tôt, tout est contrôlé), je n’en fus pas moins impressionné par cette foule pas du tout bigarrée qui progressait à grand peine dans les allées surchargées, remplies d’échoppes à la gloire de la raquette et de la balle (augmentées des inévitables sandwicheries).

Au programme des festivités sur le Central, nous eûmes notamment la chance de voir Novak Djokovic et de constater que non, enfin oui, on n’est pas numéro un par hasard. Vous me permettrez de penser que ce n’est plus vraiment le tennis un peu rock n’ roll de nos jeunes années (Big Mac !), mais en revanche, quelle sensation de puissance implacable. Le jeune en tee-shirt rose fluo en face du serbe aurait tout aussi bien pu jouer au mur.

Et puis vint notre moment chauvin du jour, la rencontre Richard Gasquet/Kevin Anderson (le sud-africain de l’étape). La lutte pour le français fut plus acharnée, ce fut une autre paire de manches (de raquettes) que d’emporter la victoire. Le géant Anderson ne servait pas à moins de 200 kilomètres/heure, mais notre mascotte du jour avait décidé de ne pas s’en laisser compter (des points). Et la foule de porter son champion tricolore, avec un joyeux enthousiasme, de celui qui donne tout son sel à une virée au stade.

La dramaturgie qui sied à ce genre de moment n’a évidemment jamais manqué jusqu’à la victoire finale et l’on s’est retrouvé à trembler pour cet autrui en short comme si sa vie en dépendait, au point d’hésiter à regarder les points décisifs, pris dans un stress énorme pour quelque chose qui n’avait aucune importance. On était dans l’immédiat absolu, corps et âmes, joyeusement, miracle du sport.

Le lendemain, j’ai regardé un bout de match à la télévision (enfin, sur mon téléphone). Entre les commentateurs insipides et la distance avec l’évènement, j’ai vite éteint. Et puis, de toutes façons, je n’avais pas d’examens à réviser.

Sébastien

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