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« Mamma Roma » de Pier Paolo Pasolini

lundi 26 février 2018, par Sébastien Bourdon

La Maman et la Putain

« Mamma Roma » de Pier Paolo Pasolini (1962)

Mamma Roma (Anna Magnani), prostituée vieillissante, fraîchement libérée de son souteneur, celui-ci ayant décidé de convoler en justes noces, prend le large et part récupérer son fils. Ce dernier, que la mère à l’existence chaotique a conduite à abandonner à la campagne, est maintenant un jeune adolescent, avec ce qu’il faut d’inconscience et de morgue.

Dans un très beau plan, la mère le voit installé dans un manège, comme s’il était resté l’enfant qu’elle avait laissé. Au tour suivant, il a disparu, descendu en cours de route, et l’inquiétude masque soudainement le sourire maternel.

Elle le rattrape, et l’emmène à Rome, pleine d’un amour débordant et d’une énergie sans failles, comme si le seul amour d’un fils pouvait redonner ses chances à une existence déjà bien abîmée.

Elle occupe un appartement dans ces abords de grande ville devenus, dès la fin des années 50, des territoires en pleine mutation sous la pression de l’économie galopante et de son pendant immobilier dévorant. On se croirait dans la zone à Nanterre, sauf que surnagent ici des ruines antiques, au milieu des immeubles en construction et des friches où l’on joue au football autant que l’on découvre les jeux amoureux.

La mère est prête à tout pour que l’éternelle damnation d’un prolétariat marginalisé ne s’abatte pas sur son fils. Évidemment le sort s’acharne, alors elle rit, crie, pleure, tempête, mais ne rompt jamais. Vendre des fruits au marché comme la promesse d’un lendemain, monter de grossières mais efficaces arnaques, battre à nouveau le pavé de sa voix de stentor sur un corps encore désirable mais vieillissant, tout doit être tenté. L’amour maternel ne connaît pas le répit.

Il est difficile de rester un saint en ville comme le chante Springsteen, et son jeune romain de fils ne résistera guère aux tentations urbaines, au désespoir de sa mère qui voudrait tant. Il n’est toujours pas certain ici que la classe ouvrière ira au Paradis.

Pasolini fait le portrait d’une figure maternelle, dans un noir et blanc austère et brûlant. Les plans évoquent des tableaux, rappelant le passé de peintre du cinéaste, avec ses lubies religieuses et christiques : un repas de mariage évoquant la Cène, un jeune prisonnier en croix.

Les quelques tics d’auteur (filmer dans la nuit des gens sans les éclairer...) ne nuisent pas au caractère émouvant de l’œuvre comme à l’aspect documentaire du film. Anna Magnani est impériale, et cette façon de filmer des no man’s land chargés d’histoire est fascinante.

Au loin on devine la splendeur romaine, mais il ne reste symboliquement aux pauvres que les miettes prestigieuses, des ruines d’aqueduc, quand clairement la circulation des richesses n’est guère fluide.

Sébastien Bourdon

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