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« La Bête » de Bertrand Bonello

jeudi 22 février 2024, par Sébastien Bourdon

Is it Safe ?

Comment qualifier ce film, si ce n’est de gloubiboulga pensant et esthétisant, s’étirant très largement en longueurs ?

Adapté très librement d’une nouvelle de Henry James (« La Bête dans la Jungle » - 1903), Bonello disperse son film sur trois époques - 1910, 2014 et 2044. Les histoires s’entremêlent, on passe d’un temps à un autre, avec pour dénominateur commun un couple, incarné non sans brio par Gabrielle (Léa Seydoux) et Louis (Georges MacKay).

Le prétexte à ces sauts spatio-temporels est l’effacement programmé du cerveau de la protagoniste de ses vies antérieures, afin de la purifier de ses émotions, vues par l’intelligence artificielle comme un dysfonctionnement.

Allongée dans un bain d’huile noire, une seringue dans l’oreille, elle parcourt ces temps enfouis, pour mieux les éradiquer. Cette démarche ne correspond en réalité pas à son souhait, elle subit les diktats des temps modernes. Toutefois, pour rétive qu’elle soit, ces visites dans le passé la ramènent invariablement à de terribles angoisses.

Tout semble menaçant, quelque soit le temps. Entre risque d’inondation et tremblement de terre, rôde autour de ses sentiments amoureux une violence toujours possible, une catastrophe brutale toujours à advenir. Quelque chose qui fait l’amour et la vie mais simultanément l’empêche.

Bonello sait filmer et mettre en scène : du marivaudage glacé à la bougie à la menace slasher dans une grande demeure vitrée californienne. Mais au bout d’un moment, le spectateur quand bien même il serait séduit, finit par s’interroger : à quoi bon ? Et ce d’autant que l’audacieux projet filmé s’étire jusqu’à atteindre deux heures et demie de temps.

Alors que retirer de cet objet terriblement boursouflé ? Une impression de confusion, de volonté de faire rentrer dedans tout un tas de choses jusqu’à devenir incompréhensible dans ses intentions. N’est pas David Lynch qui veut et même la très grande beauté formelle ne finit pas par sauver l’entreprise.

Bien sûr, l’amour est plus fort que la violence et la mort, mais il peut mener aux deux, et de surcroît dans un monde globalement effrayant. Et évidemment, mieux vaut souffrir de tourments moraux que de voir effacer de son âme sa sensibilité écorchée.

Mais tout ça ne révolutionne pas grand chose et s’accumulent des scènes où l’on se perd probablement autant que le réalisateur (ou alors il faudra qu’il m’explique). Plus souciant, on finit par ne plus ressentir grand chose quand bien même Bonello aurait visé Douglas Sirk en passant par Dario Argento.

Reste au final une esthétique et des comédiens, ce qui est quand même un début de cinéma.

Sébastien Bourdon

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