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Les Joies de l’Orphelinat

« Ma Vie de Courgette » de Claude Barras

mardi 15 novembre 2016, par Sébastien Bourdon

« Ma Vie de Courgette » de Claude Barras

Le placement en foyer d’un petit orphelin, après le décès de sa mère alcoolique, filmé par la technique dite de « l’animation en volume » (« stop motion »), il fallait oser. Mais au bout du compte, n’est-ce pas la meilleure solution, narrer un tel désarroi avec un léger décalage esthétique et poétique qui rend la chose supportable sans pour autant jamais masquer la réalité des souffrances ainsi exposées ?

Icare, qui souhaite qu’on l’appelle Courgette, au père absent car parti avec une « poule », événement que l’enfant interprète d’ailleurs littéralement, vit seul avec sa mère. Il distrait sa terrible solitude en construisant des édifices à l’équilibre fragile avec les canettes de bière que sa génitrice boit en quantité impressionnante. A la suite du décès accidentel et alcoolisé de cette dernière, accompagné par un policier humaniste, Courgette rejoint un établissement où sont évidemment hébergés tous les cabossés de la vie possibles.

En ces lieux, les petites victimes du catalogue de la violence ordinaire tentent de surmonter les accidents qui les ont amenés là. Certains s’absorbent dans leurs souffrances, quand d’autres font preuve de violence, mais tous restent surtout des enfants. La délicatesse avec laquelle sont éclairées leurs personnalités permet une empathie qui ne sera surtout pas larmoyante, quand il n’est justement jamais interdit de rire. Le film ne cesse de vous happer vers eux, telle cette petite fille qui, chaque fois qu’elle entend une voiture arriver, se rue sur le perron en hurlant « Maman ! », en vain évidemment.

Courgette va donc faire l’apprentissage de la vie dans une communauté humaine, aussi meurtrie et brinquebalante que lui, mais plutôt bien intentionnée. Dans la cohésion de ce même groupe, chacun trouvera finalement l’affection qui lui a si souvent fait défaut.

Cette formation émotionnelle passe aussi par la première stupeur de l’amour, quand descend d’une voiture une prénommée Camille. Cette affection particulière qui va donner à Courgette les ailes qu’on lui avait coupées brille d’une particulière intensité. S’allonger la nuit dans la neige à côté d’une fille est une activité hautement recommandée pour apaiser un peu les chagrins de l’enfance, d’autant qu’on les portera toute sa vie d’adulte.

La justesse du traitement de la prime jeunesse et de ses tourments est sans doute un crédit à accorder au réalisateur Claude Barras, mais aussi à la remarquable réalisatrice Céline Sciamma, ici dans la tâche de scénariste (adaptation du roman « Autobiographie d’une Courgette » de Gilles Paris). Cette dernière s’était en effet déjà distinguée dans sa manière de filmer au plus juste et au plus près cette période de l’existence humaine, notamment dans le film « Tomboy » (2011).

Le film creuse une voie inhabituelle entre Tim Burton pour l’esthétique, les grands yeux de ces petits personnages notamment, et l’acuité d’un film de Ken Loach (qui finirait toutefois plutôt bien). Sa concision, à peine plus d’une heure, et l’impeccable progression de la reconstruction de Courgette et de ses congénères rendent toute résistance cynique futile. Même la musique est d’un bon goût indiscutable, entre mélopées douces-amères de Sophie Hunger et musique underground allemande et française des années 80.

Le film n’est semble t’il pas forcément conseillé aux plus petits, mais finalement qu’importe, il semble que chacun y trouvera ce que son âge et son expérience permettent de saisir. La délicatesse et l’intelligence de l’œuvre offrent des possibilités de lecture pour et par tous. On sortira peut-être un peu éprouvé, mais nécessairement ragaillardi, d’une séance de cinéma qui semble offrir la possibilité d’un monde meilleur, sans que cela relève nécessairement de l’utopie.

Sébastien

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