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« Les Dames du Bois de Boulogne » de Robert Bresson (1945)

mardi 7 août 2018, par Sébastien Bourdon

Les liaisons dangereuses

Hélène (Maria Casarès), femme abandonnée par l’amant qu’elle aime toujours, décide de se venger de ce dernier en lui jetant dans les pattes une « grue », Agnès (Elina Labourdette), danseuse de petite vertu. Le laissant s’éprendre de la fraîcheur apparente de cette dernière, elle travaille en réalité à de futures épousailles qui se transformeront nécessairement en suicide social.

Ce film relève du Robert Bresson d’avant le dogme, le sien, celui qui le fera rejeter définitivement afféterie théâtrale et les conventions cinématographiques. Ce style ascétique qui fera de lui un des précurseurs de la Nouvelle Vague (avec Renoir), ou du moins un référent pour ces jeunes cinéastes décidés à pourfendre « une certaine tendance du cinéma français ».

Tourné en 1945, le film ne se distingue toutefois pas immédiatement d’un classicisme certain, mais ici comme épuré. L’incandescence de Maria Casarès ne freine pas une relative raideur qui semble notamment empruntée aux costumes, on ne peut plus guindés. Jean (Paul Bernard), protagoniste mâle apparaît ainsi invariablement à la fois engoncé dans les conventions et comme nageant dans ses smokings (ou le contraire), homme sans cœur mais falot, finalement cruellement manipulé par sa maîtresse blessée.

Tirant son inspiration d’un conte de Denis Diderot (« Jacques le Fataliste et son Maître », revu pour l’occasion par Jean Cocteau), l’œuvre s’ancre dans un dix-huitième littéraire, entre Choderlos de Laclos et Crébillon Fils. Oscillant entre fausse légèreté amoureuse et manichéisme, les protagonistes sont pris dans des faux-semblants qui pourraient aussi ramener à Molière, mais sans l’intention drolatique. Chacun se trompe sur les sentiments et la personnalité des autres, floué par des alliances qui ne sont qu’apparences et qui cachent de noirs desseins.

Ce qui fera l’œuvre future de Bresson - qui a renié ce film - est malgré tout déjà présent à l’écran. Ainsi si le film est constamment porté par la musique, cette valse entre l’image et le son est comme contrainte, le cinéaste marquant ponctuellement ce qui sera son refus de principe de l’accompagnement musical des images animées : le piano de la machiavélique est interrompu par Jean car décrit comme pénible à son cœur meurtri ; une fenêtre est brutalement fermée par la mère d’Agnès sur la musique dansante pratiquée par la fille.

Belle, sèche et littéraire, l’œuvre se visionne encore passionnément pour ce qu’elle est, mais aussi pour ce qu’elle révèle intrinsèquement de l’œuvre future d’un cinéaste ne jurant que par ce qu’il appelait le « cinématographe ».

Sébastien Bourdon

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