« Le Livre des Solutions » de Michel Gondry

C’est l’histoire d’un type impossible : aux autres comme à lui-même. La promo du film a tenu à qualifier médicalement la pathologie dont souffrirait le protagoniste Marc Becker (Pierre Niney), double fictif de Michel Gondry : la bipolarité.

Être tout et son contraire, oui peut-être, mais être surtout sans cesse débordé par un soi contradictoire. Marc se réveille triste et l’après-midi il se sent manipulé.

Il n’a évidemment de réel ennemi que lui-même et passe beaucoup de temps à devoir s’excuser auprès des autres - le plus souvent féminins (Blanche Gardin, Frankie Wallach, Françoise Lebrun) - de ce qu’il leur fait et surtout de ce qu’il est.

Le cerveau sans cesse en ébullition créative, il nuit à ses propres projets, les encombrant d’autres sans aucun nivellement, dans une fuite continue.

Car Marc, s’il ne peut s’empêcher de créer, fuit le produit fini, se refusant même à l’achever, dans tous les sens du terme : le détruire comme y mettre la dernière touche avant de l’offrir au monde.

Les efforts désespérés de sa troupe pour le coincer dans un processus de finalisation se heurtent à son agitation continue, comme si contempler ses propres productions était mortifère.

Envahi par la honte de ce qu’il fait, sur écran comme aux autres, Marc est un moteur à explosion mais dont la fonction finale serait peut-être de creuser un trou pour s’y enfouir.

C’est donc une histoire un peu triste, tant la souffrance est grande et incontrôlable, mais on rit énormément - ce qui est la première des élégances - de cet autoportrait d’artiste azimuté. Il est insupportable, détestable parfois même, mais terriblement attachant et ce d’autant que Gondry en se dépeignant ainsi ne s’auto-apitoie ni ne s’absout.

Sébastien Bourdon