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« Daaaaaali ! » de Quentin Dupieux

mardi 13 février 2024, par Sébastien Bourdon

A Dream within a Dream

Est-ce un portrait du fameux peintre, ou un autoportrait du cinéaste ? Et même, qu’est-ce que ce truc ? On s’en fout un peu au final, comme probablement Quentin Dupieux, qui travaille toujours une matière hétéroclite et imaginative pour en tirer, film après film, une œuvre cohérente et fascinante.

N’espérez pas ici une critique virulente, on est fan béat : même ce qui n’est éventuellement pas réussi dans un film de Dupieux, nous semble malgré tout contribuer à la grandeur de son édifice.

Ça en porte le nom - avec quelques « a » supplémentaires - mais il ne s’agit pas d’un biopic de Dali, il n’y aura même guère de vraisemblance dans le déroulé des péripéties. Il y a bien une histoire, celle d’une jeune journaliste (Anaïs Demoustier) - anciennement pharmacienne - déterminée à réaliser un entretien avec le maître, aidée en ce projet ambitieux par un producteur tête à claques (Romain Duris).

Las, le maître - incarné selon les séquences par cinq acteurs différents ! - trouve toujours une raison de se défiler, la première de toutes étant que l’impétrante n’a d’abord pas prévu de le filmer. Si ce n’est pas sur pellicule, ça n’existe pas, Dali ne fait pas seulement des images, il veut être dedans, personnage dans le film de sa propre existence.

Comme toujours chez Dupieux, quelque chose essaye d’aboutir sans jamais vraiment y parvenir. Pour illustrer ce blocage narratif, le réalisateur teinte son propos d’onirisme : quoi de mieux que le rêve aux portes du cauchemar (ou l’inverse) pour nous faire ressentir la sensation d’incapacité à accomplir.

Cette ligne éditoriale lui permet comme toujours de recourir à la fantaisie, et de travailler à l’image une esthétique teintée de surréalisme.

Et qui de mieux dans l’art pictural pour incarner cet onirisme de principe que Salvador Dali ? On n’y avait pas forcément pensé, mais tant la personnalité que l’œuvre même du peintre étaient parfaitement adaptés au cinéma de l’absurde de Dupieux.

Cette fois, quand bien même un cow-boy assassine régulièrement un évêque (oui, oui), l’effroi se fait discret. Si l’on rit beaucoup, Dupieux n’est pas ennemi de l’abattement psychique, et cette impossibilité à parvenir à ses fins de l’héroïne révèle des abysses d’incertitude, ce manque de confiance en soi qui vous dévore.

Et là encore, qui mieux que Dali et son arrogance notoire pour mieux porter en écho inversé les incertitudes humaines : le manque d’assurance de l’une face à l’égo hypertrophié de l’autre, multiplié ici par cinq.

Sous la drôlerie et la mélancolie, Dupieux parvient par touches à faire passer des choses infiniment délicates, sans jamais s’appesantir, avec une modestie de fond particulièrement surprenante quand tant d’efforts sont mis dans les formes.

Quentin Dupieux est prolixe, réjouissons-nous, le prochain est forcément pour bientôt !

Sébastien Bourdon

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