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« Ad Astra » de James Gray

mardi 29 octobre 2019, par Sébastien Bourdon

On a Marché sur Neptune

Dans un futur proche, l’astronaute Roy Mc Bride (Brad Pitt, parfait), fils exemplaire d’un père à la réputation de héros, est envoyé au fin fond de la galaxie pour tenter de reprendre contact avec ce géniteur que l’on croyait disparu (Tommy Lee Jones).

En effet, même si le film est très elliptique sur la trajectoire paternelle, on comprend très vite que ce dernier ne serait finalement pas mort durant son expédition aux confins de la Voie lactée, mais aurait probablement disjoncté dans l’espace. Plus d’âme donc mais encore un corps.

Ses expériences lointaines provoquant des dégâts jusque sur la Terre, la haute autorité spatiale - au doux nom et au comportement de société privée, SpaceCom - envoie le fils exemplaire tenter de ramener le père à la raison (et éventuellement à la maison).

Mc Bride fils (Brad Pitt) est un homme aussi discret que torturé. Son calme olympien apparent dissimule des gouffres de désespoir, entre traumas de l’enfance et incapacité à aimer. Ses affres intérieures ne diminuent en rien ses capacités à agir, du moins c’est que considèrent invariablement les machines qui contrôlent mécaniquement ses états psychiques avant et après passage à l’action. Le système n’a que faire de ses bouillonnements intérieurs, l’essentiel est que le boulot puisse être fait.

Cette apparente absence aux autres et à lui-même fait en réalité de lui le candidat idéal, même si c’est son géniteur qu’il faut retrouver.

La longue virée dans l’espace et en apesanteur vaut paradoxalement surtout comme voyage intérieur et, pour le spectateur, comme magnifique expérience esthétique. Mc Bride se déplace dans l’infini, mais se perd surtout dans ses pensées, traversé par de fulgurantes sensations de solitude.

Comme dans son magnifique précédent opus - un film d’aventures, « The Lost City of Z » - James Gray sacrifie au genre quelques passages obligés, mais rapidement expédiés. Cette fois, puisque l’on est dans la science-fiction, il nous sert ainsi à dose presque homéopathique un peu de guerre des étoiles (combats sur la Lune), et quelques miettes d’Alien, qui nous rappellent au passage que dans l’espace personne ne vous entend crier.

Ces excursions dans le genre auquel le film est censé appartenir n’en desservent toutefois pas le fond contemplatif et presque dépressif. On est finalement beaucoup plus chez Kubrick que chez Spielberg.

Évidemment, mais cela surprend quand même s’agissant d’un film récent, on reste un peu coincé dans un univers masculin, avec l’imaginaire qui s’y rattache (le héros solitaire notamment). Dans les Cahiers du Cinéma, Vincent Malausa voit en Mc Bride un reflet du Tintin d’Hergé. Plus calme, mais nettement plus neurasthénique, le héros du film de Gray rejoint peut-être paradoxalement ladite figure de papier tant le désir charnel semble éloigné de lui. La figure paternelle déglinguée fait de son côté un bien inquiétant Capitaine Haddock aux commandes de son lointain vaisseau.

Sébastien Bourdon

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