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« Sur l’Adamant » de Nicolas Philibert

dimanche 7 mai 2023, par Sébastien Bourdon

La Nef des Fous

Dans une interview, Nicolas Philibert disait avoir réalisé un film politique, mais pas un film militant. On pourrait de ce seul propos tirer un beau sujet de dissertation, mais voila qui résonne indéniablement à la sortie de la salle.

Nous n’étions pas forcément nombreux à connaître l’existence de l’Adamant, cette péniche amarrée en bord de Seine, ayant pour vocation d’accueillir une population particulièrement abîmée, à la psyché borderline et à la situation personnelle à l’avenant.

Une équipe de psychiatres ouvre ainsi le jour le navire - comme une fleur, tant ses volets font penser à des pétales - à ces âmes fracassées pour leur proposer de l’aide, mais aussi et surtout pour toutes sortes d’ateliers qui permettent l’expression libre de leur créativité, le plus souvent débordante.

Sans jamais aborder le sujet par un didactisme pesant, Philibert pose simplement sa caméra, ne se cache pas et écoute ce que ces gens ont à lui dire. La folie, si l’on doit appeler cela comme ça, trouve alors à s’exprimer, et si les discours sont parfois délirants, il en exsude le plus souvent une profonde humanité.

On relèvera notamment un magnifique soixante-huitard aux airs de Michel Houellebecq qui semble synthétiser sur sa seule personne tous les délires et fantasmes d’une époque, jusqu’au point de non-retour psychique.

Et c’est surtout une forme indicible de grâce qui se détache alors, tant de leurs propos que de leurs divers modes d’expressions artistiques.

Ainsi de la musique produite par ces cerveaux légèrement déconnectés qui est particulièrement émouvante : les mélodies et les textes nous font approcher des vies pas moins conscientes de l’absurdité et du tragique de l’existence, quand bien même on pourrait croire voir à l’écran des personnes ayant perdu le sens commun.

Ce temps consacré à ces personnes fragiles force le respect et l’on se dit qu’il est bien joli de vivre dans un pays qui organise de telles choses. L’humanité est une famille dysfonctionnelle, qui souvent a besoin de l’aide des siens et c’est en cela, effectivement, que le film est politique.

Cette péniche figée sur l’eau, au milieu de la capitale, qui accueille des gens que l’on qualifierait trop vite d’épaves, c’est beau comme la chanson d’Higelin :

« Irradié
Je suis le sage, le fou, le débile
Je suis du village l’idiot
Et j’entends les rumeurs de la ville
J’entends les passages cloutés
Bercants les piétons sages
Au rythme des feux verts
Dans le désert des embouteillages
 »

Sébastien Bourdon

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