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« Printemps Tardif » de Yasujiro Ozu (1949)

mardi 2 janvier 2024, par Sébastien Bourdon

Liberté Chérie

Noriko (Setsuko Hara), a 27 ans, n’est plus si jeune dans le Japon d’après-guerre, et ce d’autant qu’elle n’est toujours pas mariée. Elle vit avec son père Shukishi (Chishū Ryū), cultivant avec délicatesse l’affection qui les unit, et n’entendant pas renoncer à cette existence. Sa famille ne le voit évidemment pas de cet œil, et tous vont se liguer pour la marier, lui permettant de rejoindre la cohorte de la normalité triste.

On pourrait dire d’Ozu que son cinéma est austère et contemplatif, mais que c’est justement dans cette forme à la grâce éternelle que réside la magie de son art.

Aux plans fixes de lieux succèdent des scènes de vie quotidienne où, sous l’apparente banalité perce la vie toute entière. Les personnages sont toujours pris dans des dilemmes moraux, perdus dans dans le changement inéluctable, dans l’incompréhension de ce qui se passe et de ce qu’ils doivent réellement faire.

Ils sourient douloureusement, s’enivrent parfois, laissent soudainement jaillir leur vérité, heurtant nécessairement celles des autres.

À plusieurs reprises s’insèrent dans le récit des plans fixes d’arbres qui bougent au vent, le vacarme étouffé d’un train au loin, un panneau publicitaire, et soudainement, sans transition, la musique s’arrête et nous voilà au cœur d’un foyer où doivent se jouer tant de choses, aussi dérisoires qu’essentielles.

Par petites touches délicates, Ozu organise l’espace, cadrant avec une presque audace inattendue ses protagonistes, le plus souvent de face, en position assise, presque regard caméra. Ou au bar, alignés, toujours assis, alternant les points de vue, comme ceux de la conversation. Et même, flous, dans l’embrasure d’une porte, nous laissant imaginer les visages et les figures.

Lorsque les personnages sortent du champ, Ozu laisse sa caméra immobile, filmant la pièce devenue vide d’occupants, comme si le lieu et les meubles avaient encore quelque chose à nous dire.

« Printemps Tardif » parle de nos semblables, qui poursuivent des buts aux abords évidents, mais qui ne sont finalement qu’absurdités, mauvais choix, menant à la tristesse et à la mélancolie, à une harmonie qui n’est désormais plus que factice. À un vieux monde qui meurt en somme.

Sébastien Bourdon

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