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« Making of » de Cédric Kahn

samedi 13 janvier 2024, par Sébastien Bourdon

De l’art d’essayer

L’émancipation ouvrière comme projet de film, c’est dans ce dernier effort que veut se jeter le réalisateur Simon (Denis Podalydes).

Son idée est de raconter, sur les lieux mêmes où cela s’est produit, la reprise par des ouvriers de leur usine en autogestion (quand les patrons s’apprêtaient à la démanteler pour l’envoyer en Pologne), menés en cela par un leader syndical charismatique. Ça finira mal, avec une gloire de perdants magnifiques, comme dans un roman de Nicolas Mathieu.

Au cinéma, on s’en doute, le scénario est un fantasme, quand le tournage, c’est la - dure - réalité. Tout sera donc complexe, entre manque d’argent, caprices de vedettes, menaces de grève etc. L’histoire de ce tournage constitue une riche matière à film, s’inscrivant dans des précédents glorieux (« Quinze Jours Ailleurs » de Vincente Minelli - 1962, ou « La Nuit Américaine » de François Truffaut - 1973).

L’affaire est d’autant plus mal engagée que Simon traverse par ailleurs des difficultés personnelles avec un mariage qui bat sérieusement de l’aile (Valérie Donzelli). Il carbure donc joyeusement au Lexomil, seule solution chimique pour faire face aux vicissitudes pratiques et psychologiques des jours.

Il y a évidemment de la projection de soi - Simon est probablement un alter ego de Cédric Kahn - rappelant au passage que si le réalisateur dispose d’un pouvoir plénipotentiaire, il doit sans cesse se battre pour le conserver.

De manière plus large, on est face à une mise en abîme dans ce film dans le film, et ce d’autant qu’il est lui-même doublement filmé : comme œuvre de fiction, mais également en son sein même par un jeune novice passionné de cinéma (Stefan Crepon), chargé de filmer le tournage par Simon (ce qui explique le titre).

Le prolétariat à l’écran renvoie à la lutte qui se joue derrière la caméra pour parvenir à achever le film. La classe ouvrière n’est en effet pas moins présente sur le plateau, et la participation à une œuvre artistique n’empêche pas la juste colère de ne pas recevoir rémunération pour son labeur.

Car dans les deux cas, sur le plateau comme à l’usine, l’argent est le moteur de la guerre. Et il n’y a notoirement jamais assez d’argent pour faire un film, ce que rappelle avec beaucoup de drôlerie Cédric Kahn.

Dans la vraie vie, les ouvriers ont perdu la bataille, qu’en sera-t-il du film ?

Tout cela peut sembler bien sérieux, mais on rit quand même énormément. Jonathan Coen joue un parfait connard, acteur égocentrique cherchant toujours à prendre l’espace, sous des motifs artistiques plus ou moins fallacieux. Xavier Beauvois est lui aussi hilarant en producteur lâche et madré, mais à qui revient l’essentiel du propos : rien, jamais, ne doit arrêter le cinéma.

Sébastien Bourdon

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