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« Le Vieux Fusil » de Robert Enrico (1975)

dimanche 25 avril 2021, par Sébastien Bourdon

Revenge Porn

Œuvre de « patrimoine », le film a souvent été diffusé à la télévision française, et faisait l’objet de conversations passionnées de cours de récré, pour peu qu’on ait eu des parents qui vous laissent devant le petit écran le soir.

Couvert de Césars, interprété par l’élite du cinéma hexagonal de l’époque (Noiret et Schneider), il était temps de se projeter ce film pour s’en faire une idée.

Pour mémoire, rappelons en la trame : à la fin de la guerre à Montauban, un chirurgien (Philippe Noiret, raide comme un piquet) entreprend de zigouiller méthodiquement une troupe de SS en déroute après qu’ils aient assassiné sauvagement sa femme (Romy Schneider) et sa fille.

Au bout de dix minutes, cela s’est révélé déjà tellement insupportable qu’il s’en est fallu de peu pour que le DVD ne finisse par la fenêtre.

Chaque plan marque la volonté continue du réalisateur (Robert Enrico) de tirer jusqu’à l’écœurement des émotions factices. Et c’est ainsi que pendant une heure et trente-huit minutes, on alterne les exécutions de soldats allemands caricaturaux (forcément brutaux et obsédés par l’ordre, sauf quand ils boivent) avec des flashbacks dégoulinants sur l’amour. Le film fait ainsi tout du long le pendule entre violence inutile et sentimentalisme écœurant.

Au regard du sujet traité - les exactions abominables commises par la division Das Reich au moment de la retraite - c’est une honte. Cela en fait même un film dégueulasse.

S’il n’y avait que les images, passe encore, mais les dialogues - de Pascal Jardin - sonnent forcés et vides. Personne ne les habite et tous les personnages semblent comme fantomatiques, au diapason d’un propos général particulièrement creux.

Ainsi de Philippe Noiret, qui a le sex-appeal d’un Charles Bovary (médecin de province lui aussi) et dont la rencontre amoureuse avec Romy Schneider serait bien plus crédible dans une adaptation de Flaubert.

Seule Romy Schneider tire, au moins un instant - son épingle du jeu.

Alors qu’ils ont fait l’amour pour la première fois, elle remonte ses bas dans une délicate amertume heureuse. Elle parle, il se tait. Ca ne se reproduira pas, n’est-ce pas : maintenant qu’on a couché, tu crois que tu m’aimes toujours ? C’était un moment très agréable, tu n’es pas beau, mais c’est sans importance.

Et soudain, miraculeusement, on se croirait chez Claude Sautet.

Las, on revient très vite à l’ignominie de ces exécutions en chaîne - par ailleurs peu crédibles dans leur organisation aussi improvisée qu’impeccable - d’un Noiret à lunettes devenu tueur implacable et méthodique (tout le monde ne peut pas être Charles Bronson).

La comparaison avec « Coup de Torchon » de Bertrand Tavernier (1981), réalise six ans plus tard, où le même comédien, formidablement dirigé, tue également tout le monde dans le désespoir et le cynisme est cruelle pour Enrico. Ce massacre rageur et jouissif au sein d’une colonie africaine est un grand film noir politique quand ce « vieux fusil » n’est que putasseries indignes.

Sébastien Bourdon

Messages

  • Je suis à peu près d’accord avec toi à propos de ce film et Enrico n’est ni sautet ni tavernier quand on a vu l’oeuvre de ces deux derniers on ne peut qu’être triste de leurs disparitions et constater le manque le trou qu’ils ont laissé. Pour en revenir à Enrico que dire de bien si les grandes gueules qui est à mon avis son meilleur film à part ça quelques honnêtes aventures avec Ventura et Girodeau mais sans plus je n’aime pas trop dire de mal à part des facho ou autres racistes alors oui Enrico ne laissera pas une empreinte indélébile dans le cinéma français.

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