Accueil > Francais > Cinéma > « Indiana Jones et le Cadran de la Destinée » de James Mangold

« Indiana Jones et le Cadran de la Destinée » de James Mangold

vendredi 14 juillet 2023, par Sébastien Bourdon

Préserver l’histoire

L’exercice de la critique cinématographique trouve ici matière presque trop facile, un film d’aventures à l’ancienne, bourré de tics contemporains qui abîment ou préservent le genre, chacun se fera son idée.

Mais ce n’est en réalité pas si simple, tant le film s’agrippe violemment à notre nostalgie, ne nous laissant pas si facilement pondre une critique directe, sévère mais bienveillante.

Les deux premiers Indiana Jones forment un diptyque aux allures de quintessence : Steven Spielberg avait parfaitement synthétisé soixante années de cinéma de distraction avec les aventures de Tintin.

Il n’y manquait rien en termes d’action, d’humour, d’effroi, de culture populaire, de jeu d’acteur, et surtout de virtuosité incroyable de mise en scène. Et puis c’était fait avec les mains, pas l’ombre d’un ordinateur pour lisser l’ensemble, et pas l’ombre d’une morale pour polir le propos.

Ça sentait la sueur et le désir, entre deux bastons aux antipodes.

Ce nouvel opus commence pour Indy dans un inénarrable affrontement avec des nazis pilleurs d’archéologie, mais en déroute face à l’inexorable avancée des Alliés. Un Harrison Ford rajeuni à la palette graphique fait son Belmondo entre course poursuite sur le toit d’un train et quelques bons mots face au danger.

Mais contrairement aux premiers épisodes, l’artifice est énorme, ce n’est pas lui à l’image, ça a à peine commencé qu’on n’y croit déjà plus, c’est un jeu vidéo sur grand écran, et nous n’y participons que comme spectateurs.

Le film débute réellement à la séquence suivante, avec un Indiana Jones qui a l’âge des ses artères, donc celles d’Harrison Ford (81 ans) et qui est matutinalement brusquement réveillé par le « Magical Mystery Tour » des Beatles joué à fond par ses voisins (joli choix, parfaitement de circonstance).

L’homme est devenu vieux, sombre et acariâtre : le héros est fatigué. C’est ici que l’œuvre devient sincère, le temps est passé, et Indiana Jones ressemble au William Munny du film d’Eastwood, « Impitoyable » (1992).

Si le réalisateur James Mangold n’exploite à partir de là pas toutes les ressources que pourrait déceler une telle trame fondamentalement nostalgique, il joue habilement avec. Vieillir a donné une forme de crédibilité à son héros, une assise, elle commence certes à branler pas mal, mais c’est un homme de conviction. C’est ce qui va pallier au corps vieillissant.

Le genre l’exige, il faut toujours une femme pour faire le deus ex machina, l’élément déclencheur et cette ultime (?) quête est ainsi initiée par une filleule, Helena, l’épouse d’Indiana Jones étant devenue fantôme triste et amer (Karen Allen).

Et c’est l’autre fragilité contemporaine d’un film qui se soucie beaucoup de ne heurter personne : si talentueuse soit Phoebe Waller-Bridge, les femmes de Spielberg étaient à la fois terriblement volontaires et sexys, peu naïves sur les vicissitudes de la chose et leurs appétits terrestres (enfin, surtout Karen Allen).

Ici, point de tout cela, très peu de cynisme, et bien sûr cela manque cruellement, car sans mauvais esprit, le film pourrait virer facilement à la farce onéreuse.

Et pourtant, plus le film progresse, plus l’on est empli d’une émotion grandissante. Le temps a passé, et il est d’ailleurs amusant que le scénario soit fondé sur une question de faille temporelle possible, et on se sent aussi reconnaissant qu’empli de vague à l’âme.

Cette (ultime ?) aventure est finalement triste et mélancolique comme un dernier jour de vacances au bord de la Méditerranée.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

ConnexionS’inscriremot de passe oublié ?