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« Guy » d’Alex Lutz (2018)

mardi 23 mars 2021, par Sébastien Bourdon

On Connaît la Chanson

Le comédien Alex Lutz goûte le déguisement et la transformation. Pour son deuxième film comme réalisateur, il a poursuivi dans l’exercice jusqu’à la métamorphose en interprétant le rôle d’un septuagénaire plus ou moins fringant (Lutz a quarante ans dans la vraie vie). Pour ce qui est de la mise en scène, il a opté pour le faux documentaire caméra au poing, installant son film dans un dispositif qui se révèle ne jamais être un carcan.

Guy Jamet est une vieille idole des 60’s qui aurait poussé la chansonnette jusqu’au 70’s, pour n’être depuis plus qu’un souvenir essentiellement chez les baby-boomers. Un jeune homme, en souvenir de sa mère défunte, lui propose de réaliser un documentaire sur lui. L’intention de celui qui sera l’œil derrière la caméra est plus complexe : il a découvert dans les papiers de sa génitrice disparue qu’il serait le fruit des œuvres de ce vieil homme.

A défaut d’être un héros, ce père est donc d’abord un inconnu que le jeune homme va tenter de découvrir, en restant pour sa part incognito.

Et c’est ainsi qu’on se colle aux basques du vieux beau, en voyageant parfois subrepticement dans le temps pour revoir de délicieux scopitones admirablement recrées pour les besoins de la cause.

Le documentaire se justifie car Guy Jamet a une actualité récente, la sortie d’une compilation réorchestrée de ses vieux tubes.

Plus vraies que nature, les pérégrinations de Guy en promo nous emmènent en TGV de salles de province aux émissions de Drucker. Pour tout français qui a passé l’âge d’être jeune, difficile de faire plus crédible que cette reconstitution d’un parcours du vieux combattant de la chanson hexagonale.

Tel le fils caché, nous autres spectateurs voyons osciller notre point de vue sur la bête (de scène) : l’homme apparaît un peu vulgaire, pas forcément aimable, drôle plus ou moins volontairement. Mais irrésistiblement, la magie opère par un subtil agencement des séquences et le vieux crooneur se révèle finalement tout sauf un imbécile, mais un homme à l’insondable mélancolie.

La vie est passée ou presque. Tout n’a pas été glorieux, loin s’en faut. Mais l’appétit de vivre est encore là, bizarrement tenace.

Comment Alex Lutz fait-il de ce personnage d’abord peu ragoûtant un homme profondément émouvant, c’est un joli mystère de cinéma (et de musique). Il mise sur le réalisme et la précision des lieux, des intervenants (Michel Drucker, Julien Clerc ou Dani dans leurs « vrais » rôles), même les ritournelles sont réellement interprétées sous nos yeux.

Finalement aussi tartes soient les compos de Guy Jamet, elles nous renvoient à la tirade de Fanny Ardant dans « La Femme d’à Côté » (1981) : « j’écoute uniquement les chansons parce qu’elles disent la vérité. Plus elles sont bêtes et plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes ».

Entre la quête du père et la nostalgie du temps enfui, le film chemine élégamment, provoquant rires et sanglots, et franchement on ne s’attendait pas à être ainsi cueilli.

Sébastien Bourdon

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