Accueil > Francais > Cinéma > « Tout le Monde aime Jeanne » de Céline Devaux

« Tout le Monde aime Jeanne » de Céline Devaux

jeudi 15 septembre 2022, par Sébastien Bourdon

Fool for Love

Rien ne marchera, tout est foutu, autant ne pas perdre de temps et crever avant la fin du monde. Tel est grosso modo l’état d’esprit pimpant de Jeanne (Blanche Gardin) quand le film débute. La dépression a cessé chez elle d’être simplement menaçante, elle est là, et pour y résister, ne reste qu’à la nier. Mais le réel est têtu et Jeanne n’est plus que l’ombre d’elle-même.

Personne ne parle mieux du désespoir moderne que Blanche Gardin dans ses spectacles, avec cette vivacité lymphatique de celle qui veut beaucoup dire mais qui, écrasée par le poids des jours et la chimie pharmaceutique, a la bouche aussi pâteuse que la langue bien déliée.

Son personnage est dans cet état mais n’arrive presque plus à s’exprimer : le suicide de sa mère un an plus tôt et une dégringolade socio-professionnelle ont amenée Jeanne au bord du gouffre. Alors, c’est surtout dans sa tête que ça cause. Par de brillants petits strips omniprésents (dessinés par la réalisatrice), le film ne nous montre pas seulement Jeanne vue de l’extérieur, mais nous plonge dans le flux nettement plus hystérique de ses pensées concomitantes (idée géniale supplémentaire, sa voix intérieure n’est pas la sienne propre, mais celle de la réalisatrice qui sait décidément tout faire).

Au bord du surendettement, elle doit vendre l’appartement de sa mère à Lisbonne et se rend donc sur place, arpenter les chemins de sa mémoire, se confrontant nécessairement à son enfance (avec son frère, Maxence Tual, en meilleur état psychique), au deuil de sa mère, croisant ancien amant renouvelable (Nupo Lopes) et aussi potentiel qu’absurde futur amoureux avec le farfelu Jean (Laurent Lafitte).

Le terrain n’est certainement pas celui de la comédie échevelée, on est plutôt dans la prise de conscience douce-amère, avec pour perspective un refus du renoncement, quand bien même on recevrait des signaux contraires, ou à tout le moins contradictoires.

C’est peu dire que la grâce et la drôlerie habitent ce film en continu. Il n’y a guère d’espoir et on est tous un peu cassés dans un monde usé, mais il n’est pas interdit de chercher un peu de lumière tamisée au cœur de l’incendie.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.