Accueil > Francais > Cinéma > « Fifi » de Jeanne Aslan et de Paul Saintillan

« Fifi » de Jeanne Aslan et de Paul Saintillan

dimanche 2 juillet 2023, par Sébastien Bourdon

Brin d’acier

Sophie (Céleste Brunnquell), quinze ans, partage avec sa famille déstructurée (mère, sœurs et frères en bas âge, sœur déjà mère, demi-sœur etc.) un appartement modeste à Nancy. Le bordel y est plus ou moins joyeux, et à son âge mélancolique, elle se démène avec sa rébellion rentrée pour contribuer à la survie de l’ensemble, entre participation aux tâches collectives et petits services rétribués dans le voisinage.

On ne se parle pas toujours très bien dans cet HLM, parfois EDF sonne aux aurores pour réclamer le règlement des traites échues sous peine de coupure prochaine, mais sous l’égoïsme maternel (Chloé Mons), responsable principale du marasme, prévaut une forme authentique d’amour familial.

Parce que c’est de son âge, Sophie est peu diserte, s’échappe souvent et traîne dans la ville ensoleillée. Elle y croise une amie d’un milieu nettement plus favorisé, qui s’apprête à partir en vacances, et à l’occasion d’une orangeade, fauche subrepticement un jeu de clés.

Ici, point de projet criminel de grande envergure, simplement l’espoir d’une planque confortable, d’un endroit où se réfugier pour y écluser des bières et prendre un bain. Une ébauche minimaliste de grandes vacances en somme.

C’était sans compter sur le frère aîné, Stéphane (Quentin Dolmaire), étudiant à Paris, qui doit passer une partie de l’été au domicile parental et qui tombe alors sur cette inconnue dans la maison.

Si Sophie est un peu paumée, comme on peut l’être à son âge et d’autant plus dans son milieu un peu bancal, Stéphane n’est pas tellement plus carré, comme on peut l’être encore à 23 ans (et au-delà) chez les bourgeois.

Loin de la chasser, il lui laisse porte et table ouvertes, amenant à se nouer entre eux une relation inédite, chacun cherchant en l’autre une trouée dans sa solitude.

L’été est une saison du corps et du cœur, un moment où l’on voudrait se libérer et où cela semble propice. Stéphane entendait s’isoler un peu dans le territoire de son enfance pour déterminer ce quoi faire de lui-même. Sophie quant à elle, s’extrait justement de l’enfance, et apprendra beaucoup de ce choc culturel doux, sans que l’on sache ce qu’elle en tirera, mystère de toute éducation sentimentale.

Le film se clôt en tout cas sur une échappée momentanée, un appel du large, une sortie dont on ne sait si elle sera définitive.

Qu’est-ce qui fait le miracle continu d’un film, bien des choses en somme, et pas toujours identifiables. Ici, la justesse de l’interprétation y est probablement pour beaucoup, de même que la précision des dialogues, et une manière de tourner autour des lieux, des personnages et de la narration.

Un grand petit film, sans embardées, sans une minute de trop, et qui nous fait quitter la salle les protagonistes encore chevillés à l’âme.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.