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Viva la Revolucion !

"Les Professionnels" de Richard Brooks (1966)

lundi 17 avril 2017, par Sébastien Bourdon

"Les Professionnels" de Richard Brooks (1966)

En faisant la queue dès potron-minet à la boulangerie de ma villégiature de Loire-Atlantique, je me suis trouvé entouré d’hommes plus si jeunes et qui, s’ils semblaient apprécier l’air iodé, ne m’ont pas fait l’effet de buveurs d’eau minérale.

Cette notion même d’idée préconçue sur la seule foi de l’apparence m’a renvoyé au film dont il est ici objet, visionné la veille, sous les bons auspices de mon fils aîné qui en avait fait l’acquisition à des fins de projection familiale.

Dans ce western plaisant, mais guère subtil hélas, la figure du mexicain additionne ainsi à peu près tous les clichés accumulés par le genre au cours des années. Basané, moustachu, transpirant, ricaneur (juste avant de se faire descendre), révolutionnaire ou bandit, en tout cas invariablement promis à une mort certaine, plus ou moins rapide.

La figure féminine existe aussi de ce côté du Rio Grande, généralement femme peu farouche à postérieur confortable, condamnée également à une disparition prochaine peu de temps après de précieuses minutes consacrées au repos du guerrier.

À l’instar des indiens en leurs premiers temps cinématographique, si le mexicain doit finalement se distinguer dans le scénario par autre chose qu’une bonne descente de Tequila, il est alors interprété par un acteur plus moins WASP. Ici c’est un Jack Palance pourvu de moustaches grotesques et d’un accent risible qui incarne le chef d’une rébellion mexicaine, Jesus Raza.

Cherchez la femme, pour incarner sa maîtresse éperdue, les producteurs ont tiré de leur cheptel... une italo-tunisienne, la sublime Claudia Cardinale. Forte d’un décolleté absolument transcendant, la belle native de Tunis - révélée au cinéma à Venise, fait ses meilleurs (et sensuels) efforts pour parvenir à un début de crédibilité. Elle n’y parvient pas franchement, et ce d’autant plus que Jack Palance est beaucoup trop laid pour qu’on puisse la croire follement amourachée de sa personne. Qu’importe, en cas de doute sur le réalisme, ouvrir les boutons de son chemisier, ou boire à une gourde une eau qui mouillera nécessairement un peu le modeste vêtement (dans le désert, il fait très chaud).

Si l’on excepte ces figures caricaturales parfois jusqu’à l’embarras, le film n’en demeure pas moins distrayant, pas idiot et plutôt bien photographié.

Les prestigieux acteurs recrutés pour l’occasion font le job, et même un peu plus. Lee Marvin est hiératique, même s’il fut, paraît-il, ivre mort du début jusqu’à la fin du tournage (dans le désert, il fait très chaud, bis). Robert Ryan campe quant à lui un ami des chevaux vieillissant et sympathique, même s’il n’a guère plus de lignes de dialogue que les équidés qu’il affectionne. Quant à Woody Strode, "Le Sergent Noir" de John Ford, il est essentiellement torse nu (tenue qui lui va bien) et lance des flèches à l’aide d’un arc, homme noir se trouvant donc dans la position de remplacer les indiens, ces derniers étant morts.

Celui qui sauve, au propre comme au figuré, sera donc Burt Lancaster, ici dynamiteur de son état. À lui les femmes et la philosophie. Ainsi, sourire vissé aux lèvres, il s’interroge sur le sens de ces guerres civiles fratricides. Il en vient à la conclusion que la révolution est un phénomème continu, la seule difficulté étant de vérifier régulièrement qui sont les bons et qui sont les mauvais. "La révolution est une putain" comme le crie notre mexicain héroïque, Jesus Raza.

Et c’est ainsi que le regard désabusé de ces quatre mercenaires sur la vie, l’amour, les femmes n’est pas dépourvu d’une certaine grâce.

On ne peut s’empêcher de voir également dans ce refus de tout idéalisme une critique de la politique étrangère américaine de l’époque, évidemment encore pertinente.

Alors que Claudia Cardinale ("La femme nue, c’est la femme armée" Victor Hugo in "L’homme qui Rit") tente de séduire Burt Lancaster qui, prudemment, se dérobe, elle lui crie : "Va au Diable !" Crânement, ce dernier lui répond, "j’y vais de ce pas". Un vrai sage.

Sébastien

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