« Le Ciel Ouvert » de Nicolas Mathieu

Il n’est déjà pas aisé de lire un bouquin debout dans le métro, un sac à dos à ses pieds, mais cette rame se vide et se remplit comme s’il fallait à chaque station rebattre toutes les cartes.

On traverse Paris en un samedi de mi-février qui a un parfum de printemps précoce (on dirait un titre de film d’Ozu).

Dès les premières lignes (pas du métro, du livre), ni l’ego, ni les coquetteries de littérateur, ne freinent l’immédiat enthousiasme. Non seulement Nicolas Mathieu écrit bien, ce qu’on savait déjà, mais il produit une matière littéraire qui s’adresse à nous directement. Ce dont il parle, c’est un monde que nous avons déjà arpenté. On y a saigné et souffert d’autant plus cruellement qu’on n’était bien incapable de le sublimer aussi bien sous la plume.

Puisque tel est ici le sujet, est-il d’ailleurs bien raisonnable de s’imaginer écrire sur l’amour ? Déjà la prétention qu’il faut avoir pour s’y risquer ! Même la correspondance Camus-Casarès finit par vite vous tomber des mains. « L’amour, c’est l’infini à la portée des caniches  » disait Céline.

Et pourtant, quel réconfort il y a à lire chez d’autres ces tourments, à s’y reconnaître, et ce d’autant que Mathieu arrive à poser un regard suffisamment distant, presque caustique, ce qui en fait une littérature lisible.

Évidemment qu’on est con en ces moments là, et de surcroît dans cet état on se vautre, on s’abandonne, on se soumet.

Mais comme toujours, il y a cette chose essentielle dans chaque ligne, jusqu’au cœur du moindre post Instagram de l’écrivain : rappeler que la vie vaut d’être vécue et ne se faire confisquer cela par personne. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.

Sébastien Bourdon