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« La Ville des Vivants » de Nicola Lagioia

mercredi 27 mars 2024, par Sébastien Bourdon

Homo homini lupus est

Hasard des pérégrinations, je ne connais de Rome que le chemin de fer qui y mène et la gare de Termini. Je n’en ai donc qu’une idée de carte postale, probablement essentiellement constituée de clichés et de plans séquences.

L’Italie se prête volontiers - et de manière souvent heureuse - à l’idée que l’on se fait de ce pays, comme d’une contrée époustouflante d’une beauté accumulée au cours des siècles.

Même sa face sombre est souvent vue avec mansuétude dans la représentation collective : l’entourloupe devient une faconde comique et roublarde, et le fait d’être hors-la-loi donnerait au mafioso un indéniable romantisme (bien mal placé).

Autant prévenir le lecteur, le livre dont il est ici question ne s’embarrasse pas de ce genre de rêveries.

Récit d’un événement abominable, il déroule en parallèle une description au bistouri de la capitale italienne.

Le bouquin de Nicola Lagioia est de ceux qu’il est difficile d’abandonner en cours de route, bien que ce qui y est décrit soit souvent d’une tenace atrocité.

Au mois de mars 2016, sans motif apparent, deux jeunes hommes en assassinaient un autre, dans un long délire de violence et de cruauté inexplicable.

Ces trois hommes étaient en réalité les fruits aussi défendus que pourris qui pousseraient dans la cité millénaire. Tous trois dissimulaient des pans entiers de leur existence à leur entourage : le fait-divers va révéler leur duplicité, produisant un effet de sidération sur les leurs et sur Rome toute entière.

La part d’ombre de ces garçons perdus a ainsi un temps recouvert une ville et un pays estomaqués, les italiens se demandant où était la fabrique de tels monstres, quant elle semblait potentiellement alors pouvoir se loger au cœur de chaque foyer romain.

Se plonger dans ce livre, c’est donc s’abîmer dans le gouffre de l’âme humaine, approcher « l’adversaire » qui est partout toujours, plus ou moins bien dissimulé.

Qu’est-ce qui fait un jour de certains d’entre des bourreaux ou des victimes, quelle part de nous-mêmes peut s’y reconnaître, s’y retrouver, question aussi éternelle que Rome.

Lecture qui résonne aussi comme un rappel de la méconnaissance que l’on a des autres et de soi, que ni les téléphones portables ni les liens du sang, avec l’illusion de proximité qu’ils procurent, ne sauraient atténuer.

Mais au-dessus, autour et partout, il y a aussi la beauté de Rome et du monde. La fin des temps est en cours, mais elle n’est pas forcément pour tout de suite.

Sébastien Bourdon

« À Rome, au bout d’une semaine le président des Etats-Unis en personne deviendrait un connard comme un autre ».

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