« Maldonne » création de Leïla Ka - Espace 1789

L’obscurité se fait dans la salle, cinq femmes se tiennent debout sur la scène, en robes chatoyantes. Par de subreptices et progressifs gestes saccadés, elles semblent essuyer une larme, subir un chagrin.

Puis, toujours dans un silence que ne perce que le son haletant de leur souffle, les gestes se font plus amples, comme repoussant violemment une souffrance. Dans une synchronisation qui ne cesse de se défaire et se refaire, les mouvements deviennent paroxystiques, jusqu’à se jeter au sol pour invariablement se redresser et retomber encore.

Soudainement tout s’arrête, et en un fondu sur noir enchaîné, elles ressurgissent dans d’autres robes, reprennent de folles danses virevoltantes, malmenant corps et parures, occupant tout l’espace.

Elles sont habitées, comme hors de contrôle, pleines de rages et de désespoir, transfigurant par la danse les luttes d’une féminité combative. Tout virevolte, mais dans une maîtrise absolue de l’équilibre et du geste.

L’éclectisme des musiques utilisées - de l’electro minimaliste au baroque, en passant par Léonard Cohen et… Lara Fabian, quand ne revient pas leur seul souffle expiré de manière martiale - donne au propos des éclairages et des tons différents. Triste, drôle, belle, enragée, épuisée, combattante…, c’est la femme dans tous ses états qui se produit en quintette.

Leila Ka a voulu exprimer ici que d’être femme c’est la possibilité de n’avoir pas eu toutes les cartes pour être entière, car il y a eu, justement, « maldonne ». Et il faut alors rebattre l’injuste jeu, dans une furie généreuse et magnifique, justifiant qu’à la fin, ce soit la salle entière qui se tint debout.

Sébastien Bourdon