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Plongeon

« The Swimmer » de Frank Perry (1968)

mardi 2 octobre 2012, par Sébastien Bourdon

Tout commence au bord d’une piscine. Des gens visiblement aisés devisent dans un environnement riche et pacifié, ils ne sont pas encore vieux, mais ne sont plus si jeunes. Tout à coup surgit Burt Lancaster, en maillot de bain, le même que celui qu’il portait dans « Tant qu’il y aura des hommes » (Fred Zinnemann – 1953). Même dans cette tenue, il porte beau, bien que l’âge soit là. Tout le monde semble ravi de le voir. Les femmes semblent le trouver – encore – désirable, les hommes, ventripotents et grisonnants l’aiment et l’envient.

Mais tout de suite s’impose une étrangeté. Ainsi, il a surgi en maillot de bain, sans que personne ne s’en étonne. On l’interroge, voilà longtemps qu’on ne l’a vu, mais il reste évasif sur sa vie, sur ce que deviennent les siens. Il ne cesse toutefois jamais de sourire, de badiner. Une obsession semble l’animer, se baigner dans la piscine, jouir de cet attribut de réussite sociale indéniable, dans cette banlieue américaine où règnent le luxe et la consommation effrénée des signes extérieurs de richesse.

A peine sorti de l’eau, il s’émerveille lui-même de son idée et fascine ses amis avec son brusque projet : regagner à la nage son domicile, situé de l’autre côté de la vallée, en haut de la colline. Il trace un parcours mentalement, nomme cet enchaînement de piscines la « Lucinda River », du nom de sa femme, et s’élance à travers bois.

Le parcours n’aura vite plus grand-chose de plaisant et c’est sa propre vie que cet homme va ainsi remonter, faisant du film un road-movie philosophique. Chaque fois qu’il sortira la tête de l’eau, la réalité ne cessera de lui tomber dessus, de plus en plus cruelle et violente (même si le personnage gardera son mystère jusqu’à la fin). Les paysages comme les rencontres le renverront à lui-même, sans aucune générosité.

Avec ce film commencent à s’éteindre les années 60 et commence une ère cinématographique que l’on a communément appelée « le nouvel Hollywood ».

Burt Lancaster y a vu son meilleur film, ce qui n’est pas insignifiant au regard de sa cinématographie. Il est vrai qu’il y est extraordinaire dans l’incarnation d’un personnage étrange qui va avancer en se délitant, passant de la nudité d’un corps apparemment triomphant, à la réalité d’un homme faible et marqué par ses échecs. On en vient à ressentir une peine infinie pour lui, partagé entre l’émotion pure provoquée par la beauté des lieux et leur somptueuse photographie, et l’exposition continue de cette implacable déchéance.

Mon fils aîné, qui en a vu un petit bout, a rapidement quitté l’écran et m’a déclaré en me retrouvant en bas : « j’arrête, c’est trop triste, il est rejeté par tout le monde ». Un peu plus tard à la piscine municipale, on s’en est même senti oppressé à l’idée de sortir de l’eau.

Si vous ne savez pas quoi faire de votre lecteur, je vous ai donc trouvé un DVD à mettre dedans. On ne félicitera jamais assez certains éditeurs pour leur très beau travail de réédition de chefs d’œuvre oubliés ou difficiles à visionner (la maison Wild Side en l’occurrence).

Sébastien

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