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Le voyage en Italie, acte 7 - Padoue, Lecce, Tricase

mercredi 1er septembre 2021, par Sébastien Bourdon

Lundi 16 août

Padoue - Lecce : ceux qui m’aiment prendront le train, maxime qui supporte la nuance, quand nous mettrons douze heures à rallier notre destination.

En ces temps covidiens, il est par ailleurs difficile de ne pas se sentir en Absurdie lorsque l’on s’entasse comme bétail dans des wagons bondés, sans même trouver de places assises pour des trajets de plusieurs heures.

Et avec des retards, sinon c’est moins drôle…

Scène vue à la gare de Rimini (lieu de naissance de Fellini, rappelons-le) : deux jeunes pin-ups, très courtes vêtues, téléphones portables calés dans le short en jeans, sont soudainement cernées d’une bande de djeun’s guère plus couverts et très entreprenants. L’un d’eux, torse nu, expose ses indiscutables tablettes de chocolat en se collant littéralement à l’une des jeunes filles, lui proposant de les toucher. Elle rosit, se tortille, et finalement… lui donne son numéro de téléphone. Contents de ce butin prometteur, les jeunes garçons quittent le quai. Un des leurs toutefois insiste, et essaye d’embrasser la même jeune fille. Elle résiste faiblement et lui accorde finalement de baiser ses lèvres. Il part victorieux et enthousiaste. Les jeunes filles rient et s’empressent de raconter tout ça sur leurs téléphones. Chacun se fera son idée sur cette scène, et sur la nature humaine en général.

Troisième train dans la même journée, la clim peine être efficace dans un tortillard rappelant les trains Corail hexagonaux. Pire, huit heures avant de rejoindre Lecce et aucun service à bord, nous nous préparons donc à une lente déshydratation… (on parviendra à sauter sur le quai lors d’un arrêt pour acquérir une précieuse bouteille d’eau dans un distributeur durant les deux minutes allouées).

On regarderait bien la mer danser par la fenêtre puisque le train la longe, las, la rame a été envahie de scouts bruyants et transpirants. Conséquemment, on voit surtout des shorts en velours et des chemises bleues.

On descend vers le Sud et le paysage s’assèche progressivement, avec même d’impressionnantes traces de feus éteints noircissant le sol et donnant aux arbres survivants une couleur automnale prématurée. On apprendra plus tard que ces incendies sont volontaires et relèvent de tentatives désespérées d’éradication de la bactérie Xylella Fastidiosa, responsable incurable de la destruction des oliviers (ces arbres rabougris d’être malades font un triste spectacle que nous verrons partout dans les Pouilles).

Arrivés - enfin - à la gare de Lecce, le contraste avec le Nord de l’Italie quitté le matin est immédiat : même si la température est équivalente, on se sent comme dans un autre pays.

Le chauffeur de taxi dans sa vieille Mercedes, semble avoir pris la forme et les formes de son outil de travail antédiluvien. Il s’est adjoint les services d’un jeune fils taiseux qui porte les bagages des clients dans et hors la voiture. Le père semble quant à lui difficile à extraire même de l’habitacle, faisant corps avec ce dernier. Joli noeud psychanalytique en tout cas.

Mardi 17 août

Lecce semblera assez vulgaire la nuit, du moins pour sa partie festive, envahie par les marques de la mondialisation et des gens plus ou moins obèses mangeant des crêpes sans gluten, mais sublime pour sa partie ancienne découverte au petit matin (avec une température déjà délirante de 30 degrés).

Sur la route, dans les villages, on voit encore de ces vieilles dames en noir qui se posent sur une chaise devant leur maison. Spectacle incongru que ces êtres humains en position assise, seuls ou à plusieurs, sans téléphone portable en main. Il faudra conserver leurs cerveaux dans le formol, ils sont potentiellement intacts de quelque dégradation que l’on ne sait pas encore déterminer complètement aujourd’hui.

Mercredi 18 août

La température étouffante a fini par provoquer l’arrivée de la pluie, décidément inévitable en 2021. Elle est toutefois la bienvenue ici, tombant si forte qu’elle rafraichit jusqu’aux tables pourtant à l’abri sous le porche de la maison.

Cela n’est surtout pas désagréable et c’est de surcroît « una benedizione per gli alberi ».

Jeudi 19 août

Il semble impossible en ce début de séjour qui suit immédiatement Ferragosto d’échapper à la foule sur les plages, qu’elles soient de roches (à l’Est) ou de sable (à l’Ouest). La première option n’ayant donné que peu d’espoir de tranquillité, même dès potron-minet, nous optons plein d’espoir pour la deuxième option, la mer n’y est pas moins bleue.

Ne reculant devant aucun sacrifice, nous décidons de dépenser quelques deniers pour s’offrir ombre et confort à l’italienne (comprendre matelas et parasol). Las, notre enthousiasme est vite douché : aucune place n’est disponible avant quatre jours (!). Il semble donc que, même avec un peu de sous, on ne puisse trouver un luxe réparateur hors la foule. Il doit bien exister quelque part sur cette côte magnifique une « uper uper class » qui se cache, mais où ?

On échoue donc sur la spiaggia libera. Très rapidement, autour de nos serviettes, se construit comme un mur mouvant et bruyant, faits de gens munis d’accessoires de plage divers. C’est sympathique, mais vite étouffant. De surcroît, cet afflux transforme bien vite l’accès à la mer en soupe d’humains.

Ces gens bruyants et bronzés ne sont pas dépourvus de charme avec leur logorrhée continue, mais la sensation de nature qui manque tant aux citoyens urbains que nous sommes, ce n’est pas là que nous la trouverons.

Samedi 21 août

La quête du calme se poursuit avec l’ultima spiaggia à Vernole : elle n’est en réalité pas la dernière, il y en d’autres - mais on finit par arriver, en poussant un peu plus loin nos pérégrinations pédestres, à une solitude quasi absolue de bout du monde terrestre. Seuls quelques promeneurs viennent troubler le bruit de la mer et du vent sur cette plage de sable presque noir, dernière retombée de volcans depuis longtemps éteints.

Seule tristesse, ces cagettes de polystyrène et ces morceaux de plastique épars auxquels il n’est dorénavant nulle part possible d’échapper.

Dimanche 22 août

Un voyage plus court nous mène dans les rochers légèrement au Sud de Tricase. La tenancière de notre pension nous a informés de ce que seuls les locaux se baigneraient dans ces paysages presque lunaires. Or, nous sommes dimanche : à l’heure du déjeuner, ils quitteront donc tous les lieux pour ne point manquer le déjeuner familial.

Cette importance encore donnée à la famille traditionnelle reste prégnante dans ce Sud italien. On trouve ainsi devant les maisons d’impressionnants faire-parts de décès, qui mentionnent parfois, avant même l’identité de la personne défunte, le lien filial : madre, figlio padre etc.

Dans les eaux cristallines de Mazzacane, on écoute distraitement le babil des baigneuses. Qu’est-ce qu’elles causent ces vieilles dames ! Et sans jamais cesser de battre des pieds si l’eau est trop profonde, car pour parler tout son saoul mieux vaut garder le visage hors de l’eau.

Lundi 24 août

Un mystère a longtemps gouverné nos promenades dans le Salento, il nous fallait comprendre ce qu’il y avait, en quelque sorte, sous la surface anonyme des façades. Impossible en effet de discerner à travers les villes et villages traversés une quelconque vie commerciale : où se nichent les magasins et autres échoppes ?

En réalité, et c’était beaucoup plus visible de nuit, les commerces se cachent derrière de discrètes devantures, comme des animaux qui voudraient échapper à la chaleur du jour. Le soir, on réalise que l’on est passé devant de nombreux magasins sans sans s’en rendre compte, et que oui, il est donc ici possible de se nourrir, de lire et de s’habiller.

Mercredi 26 août

Et soudain, les serviettes de bain qui séchaient jusqu’alors si vite sur la terrasse semblent gorgées en eau quand on les décroche. L’humidité charge l’air, quand bien même les températures restent plus que clémentes. Le ciel s’assombrit finalement, l’orage presque inquiétant sature le paysage de lumières et sons, et tombe drue une pluie tiède, transformant les ruelles des villages en torrents épisodiques.

Signe de l’été qui s’achève ici, ce revirement météorologique semble annoncer pour nous autres nordistes beaucoup d’autres pluies, et bien plus fraîches…

Sébastien Bourdon

Tristezza,
per favore vai via
tanto tu in casa mia
no, non entrerai mai

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