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« Super 8 » de J. J. Abrams

vendredi 12 août 2011, par Sébastien Bourdon

Bad things happen, but you can still live

On peut avoir peur de l’eau pendant des années avec la seule affiche des « Dents de la Mer » (1975), ou se souvenir pour l’éternité de la séance qui vous a fait découvrir «  Indiana Jones  » (1981) au cinéma, et ne rien oublier de ce film, des trésors enfouis aux serpents qui les gardent.

J.J. Abrams, fort de la même expérience rétinienne, en est devenu cinéaste. Plus jeune que son mentor, avec une expérience différente, il colle à l’époque en produisant notamment des séries à succès, « Alias » et « LOST  », les films de ses amis (l’excellent « Cloverfield » de Matt Reeves - 2008) et en réalisant lui-même des opérations cinématographiques de recyclage de ses passions de jeunesse (« Star Trek », « Mission Impossible  »). S’il a pu ainsi contribuer à massivement nous distraire, sa production manquait un peu de fond. En effet, n’oublions pas que de son côté, son mentor Spielberg avait fait appel à Truffaut pour jouer dans « Rencontres du 3ème Type » (1977).

S’agissant du film dont il est ici objet, force est de constater que son propos se densifie. Abrams est convaincu de la puissance du 7ème art car il la partage avec le spectateur, mais la développe ici comme cinéaste.

L’exercice est difficile, de l’histoire il ne faut point trop en dire, sous peine de gâcher quelques effets. Dans une banlieue américaine à la fin des années 70, un pré-adolescent perd sa mère et s’enfonce un peu plus encore dans ses rêveries de cinéma fantastique, auprès d’un père policier qui ne le comprend pas vraiment, recroquevillé qu’il est lui-même dans son chagrin. Avec sa troupe d’amis, ils se lancent, armés d’une caméra, dans la réalisation en Super 8 d’un film de zombies, pensé, écrit et dirigé de main de maître par le plus gros d’entre eux. Au cours dudit tournage, un accident extraordinaire se produit, faisant d’eux les témoins malgré eux d’un secret d’Etat fort bien gardé depuis plusieurs années. S’ensuivent une foule de péripéties qu’il appartient au spectateur de découvrir.

Le film, extrêmement spielbergien dans son développement, prend toutefois ses distances avec l’œuvre du maître pour se transformer en une déclaration d’amour au cinéma lui-même. Les enfants s’en aperçoivent eux-mêmes avec stupéfaction, lorsque l’on filme, la vie peut soudain jaillir (surtout si c’est une fille que l’on met devant l’objectif). La pellicule permet d’immortaliser les jolies filles à qui l’on ose à peine parler, et ressuscite les morts (ce qui est cohérent puisque les enfants tournent un film de… morts-vivants).

Tout est subtil, rien n’est putassier. Ainsi, le réalisateur rit de ses pairs : l’enfant cinéaste en devenir est un démiurge assoiffé qui se saisit de tout pour alimenter son œuvre – « production value !! » - des évènements extérieurs à la proposition de destruction des jouets de ses amis (ceux du héros). Surtout, l’opus ne se dépare jamais d’une délicate tristesse qui en fait toute l’élégance. La libération finale du spectateur qui ne peut se faire que par un rite de passage a laissé un peu de sel sur nos joues.

Sébastien Bourdon

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