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« Vincent n’a pas d’écailles » de Thomas Salvador

vendredi 6 mars 2015, par Sébastien Bourdon

We Can Be Heroes

Ledit soir, un choix cornélien était à faire entre un concert de DEATH TO ALL au Trabendo ou bien la projection d’un film d’auteur en la présence de l’auteur, justement, le tout à l’espace 1789. N’ayant aucune chance de croiser le leader de DEATH après le spectacle, Chuck Schuldiner étant mort et enterré depuis belle lurette, nous avons opté pour la discussion (à bâtons rompus, comme il se doit) avec le réalisateur à deux pas de chez soi.

La curiosité était aiguisée car, voilà qui n’est pas commun, un petit film français fauché qui parle d’un super-héros. Loin des pléthoriques productions hollywoodiennes lourdingues, mais en ne trahissant pas l’esprit et les conventions du genre, cette œuvre délicate et singulière s’est révélée particulièrement rafraîchissante. Un film pour ceux qui prennent le temps de contempler le monde (et qui nagent comme des pierres).

Au bord de lacs baignés par le soleil, Vincent est un garçon terriblement comme les autres, mais il a des super pouvoirs. En effet, sitôt plongé dans l’eau, sa force est décuplée. Toute l’élégance du projet est de se refuser à la grandiloquence et à l’excès qu’appellent généralement ce genre de scenario. Vincent dispose de capacités physiques supérieures à la moyenne certes, mais sans plus et il ne veut surtout pas en faire toute une histoire. Si l’on résume, il saute plus haut que la moyenne, nage comme un dauphin, court vite mais pour tout cela, il faut qu’il soit mouillé. Pour donner cette impression de normalité un peu extraordinaire, tous les effets spéciaux sont faits main, Vincent est un « super-héros français ».

Rien ne se voit à l’écran des quelques trucs de magicien utilisés pour donner cette impression de force soudaine et le spectateur se met à y croire d’autant plus aisément que la figure de Vincent lui est inconnue. Surtout, cette absence de recours aux effets numériques, loin d’être une gageure, se révèle un des atouts premiers de ce film délicieux.

En effet, cette économie de moyens permet tout simplement de rendre sa poésie intrinsèque à la figure du super-héros (mélancolique). Sans costume moulant, l’être doué de capacités extraordinaires a toutes les peines du monde à parvenir à vivre comme les autres (pour vivre heureux, vivons cachés). C’est ainsi que Vincent voudrait aimer Lucie et se baigner souvent, et ne réclame pas grand-chose de plus à une existence qui lui a pourtant apporté des compétences peu communes.

Ceux qui ont dévoré la revue « Strange », sans forcément à l’époque réaliser combien cela pourrait éclairer leur future vie d’adultes (sacrément névrosé Spiderman quand même), trouveront sans nul doute ici des échos à leurs lectures de jeunesse.

Le réalisateur nous a décrit son personnage comme un inadapté qui aurait envie de bien faire. Ils sont du coup nombreux, même sans super pouvoirs, ceux qui pourront se retrouver dans cette personnalité. Vincent se refuse à l’héroïsme et à la potentielle responsabilité engendrée par ses capacités. Mutique et vaguement maladroit sur terrain sec, il ressemble beaucoup à Buster Keaton. La comparaison est là encore de l’auteur, et elle illustre également parfaitement la grande drôlerie du film. Lorsqu’un personnage veut qu’on le laisse tranquille, il faut évidement lui faire subir toutes sortes de péripéties et apprécier en souriant comment il finira par s’en sortir.

On rit donc beaucoup et la grâce de l’actrice Vimala Pons (Lucie) y contribue largement. Cette jeune femme ne ressemble en rien au tout-venant des actrices françaises, aérienne et drôle, elle ajoute à chacun de ses passages un charme persistant que sa seule plastique ne suffit pas à expliquer.

Il va de soi que ce film au parfum d’un été que l’on voudrait voir arriver n’est réservé à personne et se doit d’être vu par tous.

Sébastien Bourdon

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