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Vive le Québec libre

lundi 10 janvier 2011, par Sébastien Bourdon

Lorsque j’étais enfant, je dévorais notamment les ouvrages de James Olivier Curwood et Jack London. Si par miracle, un peu de neige tombait, j’enfilais ma veste en peau de mouton et sortait dans le jardin rêver éveillé une vie comme dans un livre. Je me voyais trappeur au Canada, et transformait les biscuits au gingembre de chez Marks & Spencer en galettes de pemmican mangées par les coureurs des bois d’autrefois. Et puis, la semaine dernière, j’ai conduit dans la forêt québécoise un traîneau tiré par des chiens. La vie ne vous offre pas souvent la possibilité joyeuse de rejoindre la fiction. Croyez-moi, j’ai bouffé cet instant avec un appétit d’enfant. Peut-être qu’en vieillissant dans les villes, l’on devient plus rousseauiste et moins voltairien.

Les hasards de la vie nous ont en effet amené au Québec au début de l’hiver. Là-bas, l’hiver n’est pas une vue de l’esprit, il y a de la neige et vive le vent. C’est rassurant un pays où les saisons sont on ne peut plus orthodoxes. Et puis, le froid sec et vif, pour peu qu’on soit bien équipé, c’est toujours mieux que ce sinistre crachin qui tombe sur nos têtes de chiens de parisiens.

Et la neige, c’est merveilleux. Lorsque le paysage se paraît de blanc, c’est comme si la course du temps freinait quelque peu, nous donnant un semblant de répit. Au cœur du Mont-Royal montréalais comme dans les forêts des Laurentides, un calme bienveillant nous envahit et on ne voudrait plus partir.

Dans ce pays où tout semble nord-américain, la langue semble toujours incongrue. Le Québec est anglo-saxon depuis le 10 février 1763 et pourtant, même dans les trous perdus qui évoquent des films comme « Fargo », tout est en français, de l’hôtel de ville à la quincaillerie. La francophonie n’est donc pas ici un fantôme louisianais. Ca force le respect dans notre pays où le mot « rentable » a été remplacé par « profitable », anglicisme inutile et moche. Cela étant, nous avons un Président qui ne sait pas parler le français et qui ignore l’anglais, phénomène également totalement improbable dans la Belle Province. Les québécois diront chien chaud plutôt que hot-dog, contre toute logique historique et géographique, mais n’en maîtrisent pas moins la langue de Shakespeare.

Autre chose appréciable dans cette lointaine contrée, les gens sont agréables. Ca n’a l’air de rien, mais des restaurateurs qui ne vous battent pas froid quand vous arrivez avec des enfants, c’est plaisant. De même, les passages piétons sont à peine marqués au sol puisque les voitures s’arrêtent quand un être humain se présente. Je ne sais si c’est le froid qui pousse les gens à plus de douceur, toujours est-il que c’est précieux.

Avant de rejoindre les forêts bordant le lac Sacacomie, une telle ambiance nous a même poussés à des délices pervers comme aller assister à un match de hockey. Ca va très vite, on ne comprend rien, sauf qu’il y a plein de buts et qu’on a le droit de se battre. On attaque tout le temps et on se défend comme on peut, voilà qui ne risque pas de générer l’ennui. Depuis Gladiator, je n’avais autant ri. « Go Montréal Go ». J’ai également apprécié les fans féminines des joueurs, blondes à fortes fesses et jeans taille basse. A chaque action, elles se dressaient pour encourager le mâle, puis se rasseyaient avec un inévitable tortillement fessier pour faire remonter le pantalon dans une position décente. Et oui, même quand il fait froid, rien ne m’échappe.

Mais il faut quitter la ville, parcourir ces kilomètres de froide campagne déserte ou presque, et rejoindre la nature, les grands espaces où croiser loup ou indien ne semblerait pas incongru. Into the wild, mais dans une version moins intégriste et beaucoup plus confortable. Au-dessus du grand lac, avec les forêts à perte de vue. Dans une telle ambiance, le soir de Noël, je me suis abandonné à ma première célébration religieuse de Noël, dans une cabane au fond des bois (par moins 17, la ballade nocturne fut vivifiante). C’était d’un ennui abyssal et animé par la Céline Dion du village voisin (chaque fois qu’elle s’emparait du micro, mon fils aîné grimaçait de souffrance), mais il y avait un peu de la magie de Noël, sans doute grâce à cette candeur des gens qui vivent loin de l’Europe. Et puis dimanche, le Père Noël est arrivé en traîneau à chiens. On a beau savoir qu’il n’existe pas, c’est quand même joli la paix sur le monde.

La pluie sur le bitume parisien, je me suis pris à avoir froid ce matin. Je n’en reviens pas d’être rentré, quelle drôle d’idée ?!

C’était ma dernière chronique pour 2010, bonne année à tous.

Sébastien

P.S. vite fait : j’avais raté les récents Le Ruban Blanc de Haneke et Tournée d’Amalric, ces films ont finalement été vus en séance de rattrapage à la maison. On ne nous avait pas menti, il s’agit de deux chefs d’œuvre.

Sinon, je lis la biographie savante en trois volumes de Frank Zappa par Christophe Delbrouck. Avec des éclaircissements certes parfois un peu tortueux, j’en viens à apprécier encore plus la musique du moustachu. Il n’y a vraiment pas de mal à recueillir quelques explications lorsque l’artiste est si exigeant, avec lui-même comme avec son public. « Hot Rats », « Chunga’s Revenge » et le live au Hammersmith Odeon récemment édité sont en boucle sur la platine.

Enfin, pour 2011, on chuchote que le meilleur groupe du monde, les canadiens de Rush, feraient un crochet par la France lors de leur périple européen du printemps. J’ai envie de croire au Père Noël.

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