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Usine à Rêves

"Ave César" de Joel et Ethan Coen

mercredi 24 février 2016, par Sébastien Bourdon

« Ave César » de Joel et Ethan Coen

Au bout d’un moment, des jeunes ont sorti leurs téléphones portables et se sont livrés à divers jeux de football virtuel, y trouvant sans doute plus d’intérêt qu’à la projection du film. Un tel comportement a fini par agacer des spectateurs placés derrière eux car, même petit, un écran qui fait face à un écran, cela perturbe forcément la vision.

Les frères Coen ont décidé d’évoquer avec ce nouvel opus une époque bénie du cinéma américain, celui qui se tournait en Californie au siècle dernier, au sein de ces immenses studios à même de produire en masse des images pour le monde entier, dans une indéniable stratégie de conquête. Seule la télévision viendrait mettre un terme à un tel monopole.

Pourtant point de nostalgie dans ce film, même si les réalisateurs ne se privent pas de quelques séquences délicieuses pour rappeler combien l’on était en ce temps capable d’enchanter un monde qui n’était peut-être pas meilleur que celui d’aujourd’hui (ballets aquatiques et claquettes notamment). S’il s’agit toutefois de nous montrer les dessous de cette machine à rêveries et fantasmes, il nous est épargné le franchement sordide, car finalement rien n’est ici jamais laid mais tout est drôle.

L’œuvre relève presque du film à sketches, avec pour fil directeur un certain Eddie Mannix (Josh Brolin). Il s’agit de l’homme qui assure la sécurité de la production cinématographique, évitant qu’elle soit atteinte par les scandales provoqués par les diverses frasques des vedettes hollywoodiennes (un « fixeur »). Nous suivons donc ce garçon au cours de ses très longues journées de travail (et ses visites au confessionnal) durant lesquelles il ne perd ponctuellement son calme qu’à des fins « éducatives », assénant notamment quelques claques bien senties aux acteurs qui se refuseraient à comprendre l’importance de leur mission terrestre.

Le film, extrêmement référencé, évoque ainsi en vrac, et dans un joyeux foutoir, la chasse aux sorcières, la religion dans le cinéma américain, l’homosexualité, la guerre froide… Rien de léger dans tout cela, pourtant les réalisateurs ont visiblement décidé de survoler ces questions, se contentant d’en pointer la pertinence, mais en gardant le sourire. Face à ce relatif manque d’ambition, entre apparitions et éclats, les vedettes d’aujourd’hui, parodiant celles d’autrefois, se succèdent (Scarlett Johansson, Georges Clooney, Tilda Swinton, Ralph Fiennes, etc.), avec un talent certain, mais en générant une certaine frustration dans cette mécanique qui tourne quand même un peu à vide.

Le reproche qui pourrait alors être fait aux frères Coen est sans doute leur trop grande capacité à réaliser pour ce qui ressemble à de l’entre-soi. Il n’est pas forcément aisé de saisir toutes les subtilités de ce dernier film, au risque de s’interroger sur sa pertinence. En l’occurrence, il est quand même recommandé d’être calé aussi bien en théologie qu’en histoire, avec une maîtrise certaine des tenants et aboutissants politiques durant l’âge d’or hollywoodien (sans parler de la cinéphilie). Un tel bagage culturel n’est évidemment pas impératif, mais cela permettrait peut-être à certains jeunes de se passer de leur téléphone portable pendant la projection.

Sébastien

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