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Une Reine pour la France

jeudi 3 mai 2007, par Christopher Montel

À en croire leurs journaux mondialement réputés, les Britanniques, presque à l’unanimité, envient notre chère République, à l’aube du vingt-et-unième siècle. 85 % de participation au premier tour des présidentielles, un débat de l’entre-deux tours qui rassemble une vingtaine de millions de téléspectateurs, presque autant qu’une finale de Coupe du Monde de Football. Un débat étrangement vif et spontané qui rompt avec la collégialité hypocrite et paralysante des débats précédents, le dernier étant celui de 1995 confrontant Jospin à Chirac.

L’ambiance au crépuscule de ce 2 mai 2007, dans le 14e arrondissement à Paris, devenait chaude. Les immeubles, aux fenêtres ouvertes, se transformaient en camps retranchés. Aux éclats et exclamations à chaque bourde commise par Sarkozy, aux cris de joie et de soutien à chaque salve tirée par la royale Ségolène au cours du débat, répondaient des grognements de protestation et d’indignation. Le camp du candidat favori relégué à enfiler des gants de boxe pour se protéger le visage et couiner à l’aide aux arbitres en appelant au respect de l’autre, on s’attendait à tout sauf cela.

Mais à quoi donc pensait Sarkozy ! Résolu à plaire aux centristes, et doté, il est vrai, d’une diction, d’un registre de langue et d’un vocabulaire bien plus éloquent que son opposante, il bafouille, il cafouille, il rouspète et ricane avec Poivre-d’Arvor en avouant qu’il ne saurait pas comment utiliser ses trois minutes de temps de parole. Il se frotte le front, il chiffonne ses notes et baisse les yeux en parlant. On se demande comment il arriverait à tenir tête à Angela Merkel, Condoleeza Rice ou encore, si par miracle elle se retrouve élue, Hillary Clinton !

Révolté par tant de prouesse politicienne agressive et inattendue de la part de Royal, il entame d’un ton ferme mais courtois « si vous continuez à me pointer du doigt... », mais comprend qu’il ne peut même pas finir sa phrase. Il est piégé. Tout propos avec lequel il pouvait jusqu’ici briser ou effacer un concurrent, un obstacle à sa mégalomanie, se retourne contre lui en devenant automatiquement une grossièreté machiste, par le simple fait que son opposante est une femme. Cruelle injustice du hasard, Sarkozy gravit les montagnes insurmontables de la politique française pour finalement trébucher au sommet devant l’élément femelle, devant le chromosome originel. Sa propre agressivité s’annule, se dissolve face à la candidate socialiste. Il ne lui reste plus qu’à encaisser et à s’indigner.

L’homme Sarkozy, celui dont les journaux britanniques, toujours aussi mondialement réputés, déplorent le fait qu’il interdit tout commentaire sur son ménage avec Cécilia - est-il vraiment important, gentlemen, de savoir pourquoi une épouse quitte son candidat à la présidence ? - peut-il prétendre être le porteur d’une révolution propre à son temps, s’il ne sait même pas gérer le talent politicien, donc tout aussi calculateur et machiavélique que le sien, lorsqu’il est détenu par une femme ?

Le bougre l’a bien cherché. Face à une candidate qui n’a pas grand-chose à perdre - suis-je le seul à avoir vu de la sincérité dans l’aparté final de Ségolène Royal ? -, il se retrouve empêtré dans ses nombreux propos et remarques provocantes des dernières années. Il mentionne à peine la sécurité, juste assez pour se faire rembarrer par Royal. Il énonce des thèmes forts, attend bêtement qu’ils soient repris en plagiat par la candidate socialiste à peine quelques minutes plus tard, pour finalement les reprendre à son tour, en lui donnant le bénéfice de les avoir évoqués la première !

Car ce n’est pas le Sarkozy prétendument démocrate, et champion de la Tolérance maximale, que nous avons aperçu ce soir de mai 2007. Mais un homme, mis à nu, injustement, je le concède, par la première des différences naturelles au sein du royaume humain : le sexe. Différence naturelle imposée comme inégalité sociale pendant des siècles, par le machisme des hommes et la misogynie incompréhensible et autodestructrice des femmes.

À en croire certaines électrices que j’ai entendu commenter sur Ségolène Royal, cette dernière, « parce qu’elle est moins moche qu’avant », se prend pour une reine de France. J’ai rarement entendu des propos aussi débiles que ceux tenus par des femmes sur des femmes. J’espère que vous comprendrez, lectrices et lecteurs, que je ne suggère pas un procès misogyne à l’encontre des femmes, mais un procès à l’encontre de la misogynie véhiculée en partie par les femmes et relayée par le machisme des hommes.

L’État français, depuis un millénaire d’existence, n’a jamais eu officiellement de reine ou de présidente à sa tête. Les rois de France, souvent fous ou incompétents, réclamant sans cesse la protection de la vierge Marie, se succédaient, et leurs épouses ou leurs mères gouvernaient en coulisses. On veut bien la vierge, on veut bien la folle de Domrémy-la-Pucelle, on veut bien Marianne et ses beaux seins lactés, mais une femme qui prend seule la France en charge ? Les Britanniques sont peut être toujours aussi abrutis par leur monarchie niaise et infantilisante, mais ils n’ont pas de problèmes, comme la plupart des pays du monde et d’Europe, qu’ils soient méditerranéens, scandinaves ou moscovites, à se faire gouverner par une femme.

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