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Un poison violent

« La Jalousie » de Philippe Garrel

vendredi 27 décembre 2013, par Sébastien Bourdon

Dans le dernier numéro de l’excellente revue « So Film », Brian de Palma déplore que ses pairs et cinéastes Scorcese et Coppola ne prennent plus le métro, ce qui les amèneraient aujourd’hui à réaliser des films en décalage avec la réalité. Ce n’est sûrement pas le cas de Philippe Garrel, tant son film nous donne notamment à voir la paupérisation de l’artiste, entre appartement miteux et petits théâtres de grande banlieue.

Autant te l’avouer tout de suite, ami lecteur (si tu existes), je n’avais auparavant jamais vu de film de Philippe Garrel. Pourquoi, je ne sais, je m’en faisais en tout cas une idée peut-être un peu caricaturale, je dirais même « germano-pratine ». Cette première expérience, si elle ne m’a pas littéralement galvanisé, m’a semblé suffisamment convaincante pour en dire surtout du bien, à commencer par l’élégance de ce noir et blanc terriblement Nouvelle Vague (donc de bon ton).

Ce souci de s’inscrire dans une révolution passée du genre cinématographique se niche aussi dans les détails, d’ailleurs, à n’y prendre garde, on pourrait presque peiner à dater le film. Il est vrai que nos héros sont rarement dérangés par la sonnerie de leur téléphone portable et aucun Mac ne traîne sur la table de l’appartement. Pourtant, c’est bien aujourd’hui et maintenant que cela se passe, bien que racontant une histoire d’hier (arrivée au père du cinéaste), intemporelle, il est vrai. Un homme quitte une femme pour en rejoindre une autre qui le quittera ensuite. En résumé, on crèvera toujours d’amour tant qu’on sera vivants.

Le film, de courte durée, à peine plus d’une heure et quart, semble pourtant prendre son temps, s’étirant en moments de grâce. Ce procédé fait-il un bon film, je me suis parfois interrogé, mais la justesse des comédiens et le naturel de l’actrice (Olga Milshtein) qui joue l’enfant du personnage principal (Louis Garrel) m’a toujours ramené dans l’œuvre. En réalité, la succession de saynètes finit par constituer un ensemble narratif et esthétique cohérent, un film en somme.

Il est amusant de vérifier comme les garçons peuvent être agacés par Louis Garrel et sa subtile absence de coiffure, tout en étant subjugués par Anna Mouglalis, quand les filles la trouvent exaspérante et ronronnent à chaque apparition du finalement plus tout jeune premier sus-évoqué. Si l’on essaye d’être objectif, on se doit de reconnaître que les deux jouent fort bien, donnant corps et chair à leurs personnages. Il me semble que Louis Garrel a d’ailleurs un potentiel comique insuffisamment exploité à ce jour.

Au final, le film baigne dans une rafraîchissante sensation de liberté formelle, nonobstant la gravité du fond, il mérite pour cela largement le détour.

Sébastien (et bonne année).

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