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« Ultra-Girl contre Schopenhauer » de Cédric Roulliat - T2G Gennevilliers le 8 décembre 2018

vendredi 14 décembre 2018, par Sébastien Bourdon

Hot Pants

Edwige, une jeune traductrice (interprétée par la sémillante Sahra Daugreilh), a toujours trouvé comme échappatoire au réel le doux refuge de la fiction et notamment l’ombre fantasmatique des super héros de bandes dessinées. Devenue adulte, seule dans son appartement, son esprit s’égare dans ses souvenirs, le plus souvent sentimentaux, tous transfigurés par l’évocation colorée et chantante de ses appétences musicales, littéraires ou cinématographiques.

Perdue dans ses fantasmes alors qu’elle travaille à la traduction en français des aventures de la super héroïne Ultra-Girl, aussi sexy qu’indestructible, cette dernière surgit dans sa combinaison moulante (la non moins sémillante Laure Giappiconi).

Après un joli succès à Lyon où réside l’encore trop discret Cédric Roulliat, homme aux talents multiples et concepteur de ce spectacle, cette première pièce a fini par légitimement attirer des programmateurs – presque - parisiens. C’est ainsi qu’elle a été mise à l’affiche pour deux soirs au festival Impatience du T2G de Gennevilliers.

Pas de lever de rideau, le plateau unique s’affiche dès l’entrée dans la salle, un salon au kitsch raffiné qui trouverait ses codes esthétiques sur une période couvrant les fifties et les seventies. Le décor est en réalité au diapason du texte de la pièce, comme de sa mise en scène, et ne trompe donc pas sur ce qui va suivre.

Alors que les lumières de la salle ne sont point encore éteintes, l’actrice principale, Sahra Daugreilh alias Edwige, s’installe silencieusement dans un fauteuil et s’abandonne dans la contemplation de son téléviseur. Tout à coup, le noir se fait dans les gradins et démarre le tourbillon d’une œuvre qui se révélera sans cesse mouvante.

S’il s’agit d’évoquer les rêveries de ce personnage féminin, en s’attachant plus ou moins à des événements réels de sa vie, la part fictionnelle et fantasmatique prend presque toujours le dessus. On aurait pu imaginer un fil narratif plus tendu, plus axé sur l’existence réellement vécue de l’héroïne, mais tel n’est pas le concept, foutraque et drolatique de la pièce.

C’est ainsi que la période faste du cinéma hollywoodien (de Douglas Sirk à Vincente Minnelli), les séries télévisées américaines des années 70 et l’univers des comics américains se télescopent dans le cerveau de la protagoniste et sur la scène du théâtre.

Lorsque la réalité s’invite, et notamment l’évocation de la solitude amoureuse, on la fuit très vite dans la musique, la couleur et même l’érotisme, en poursuivant les figures aimées de fiction ou les fantômes du cinéma (Gene Tierney ou Rita Hayworth).

Là où l’écriture et la mise en scène brillent tout particulièrement c’est dans cette ligne de fuite continue où réside une cohérence, une unité et même, comme le titre ne s’en cache pas, un attachement à la philosophie.

Les péripéties s’enchaînent sans temps mort : le réparateur de machine à laver (David Bescond) devient le Schopenhauer de la chanson d’Ella Fitzgerald (« Isn’t it a pity ») et Edwige se retrouve animatrice d’un débat houleux entre ce dernier et Ultra-Girl sur les mérites comparés de la vie et de l’art. Tout s’imbrique brillamment et avec une incroyable drôlerie (le texte, la mise en scène, mais aussi les comédiens).

L’auteur, Cédric Roulliat, comme son personnage (son alter ego ?) préférera toujours ce qui l’a fait rêver au trivial de l’immédiat et du contemporain (jeter un œil aux travaux photographiques de l’auteur metteur en scène permet de le vérifier et de mieux appréhender encore son univers).

Aux vicissitudes de l’existence répond le joyeux bordel de l’inconscient et des fantasmes ce qu’illustre à merveille la pièce.

Sébastien Bourdon

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