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WALKING PAPERS, le Petit Bain, Paris, le 13 décembre 2013

mardi 17 décembre 2013, par Sébastien Bourdon

Qu’est-ce qui fait encore courir Duff Mc Kagan ? A son âge (50 ans en 2014) et avec une telle carrière derrière lui ? Pour mémoire, ce garçon est un membre fondateur des illustres Guns n’ Roses, petit groupe qui a quand même vendu cent millions d’albums de par le monde, et avec lequel il a connu dans les grandes largeurs toutes les frasques possibles (la sainte trilogie : « sex, drugs and rock n’roll »).

Guns n’ Roses quitté, après des aventures en solo, suivies du « super groupe » Velvet Revolver, puis de son propre groupe Loaded, le voilà qui réapparaît derrière sa basse avec ce modeste, mais fort talentueux combo de Seattle, Walking Papers, dont il est ici objet.

Leur premier album éponyme est formidable, mais de là à tourner avec eux, entre premières parties (ainsi la veille à Cognac en ouverture de Biffy Clyro) et tête d’affiche dans de tout petits clubs (le Petit Bain à Paris donc), il doit bien y avoir une explication, et elle ne peut pas être monétaire. Sans parler de la nécessaire résistance physique à la poursuite de ce genre de périples en Europe et ailleurs, et ce sans le soutien de la moindre drogue car il a tout arrêté.

Nous étions donc très enthousiastes à l’idée d’écouter ce joli monde, emballés que nous avions été par leur disque, mais aussi de découvrir le « Petit Bain », club installé sur une péniche dans le 13ème arrondissement de la capitale. Nous partîmes à deux et je m’en veux, car si la salle était pleine, la qualité de la soirée eût exigé un prompt renfort des plus mélomanes de mes lecteurs (s’ils existent).

Le concert parisien des Walking Papers ayant semble t’il été rapidement organisé du fait d’un creux dans leur agenda, c’est une première partie dégotée en urgence, Devil Named Jones, qui ouvre le bal avec un aimable rock n’ roll. Rapidement, on ne peut que constater le manque d’épaisseur du truc, si plaisant soit-il. J’en viens même à me demander si ces gentils garçons soigneusement mal coiffés (ou chauve) ne seraient pas en train d’inventer sous mes yeux le « blues blanc hipster ».

S’ensuivent quelques bières, un peu de conversation autour du fort modeste stand de merchandising (quelques emplettes aussi, naturellement), pendant qu’est installé, par un seul roadie - preuve de la modestie de l’ensemble - le matériel des héros de la soirée. Le terme « héros » n’est pas galvaudé.

Dès leur entrée en scène, le son est clair, massif sans être assourdissant, et la musique impressionnante de souffle et de densité. Le batteur Barrett Martin a une frappe de mule, mais assure, divinement assisté dans cette tâche par les lignes de basse de Mc Kagan, un groove félin proprement irrésistible (« The Whole World’s Watching », « Capital T », « Your Secret’s Safe With Me »…). Sur ce remarquable terrain de jeux, tourbillonnent les claviers de Benjamin Anderson et la guitare précise et sobre du chanteur Jeff Angell.

Ce groupe de vétérans nous offre en réalité quelque chose d’essentiel et rare, un mélange de maîtrise et d’urgence. Du rock n’ roll en somme.

En plus d’être composé de vedettes et de musiciens confirmés, le groupe trouve un atout majeur dans l’allant incroyable de son leader, Jeff Angel. Il faut l’avoir vu descendre parmi les spectateurs avec pour seule arme son micro et la qualité incroyable d’une chanson, ou encore imposer naturellement un silence presque total aux moments les plus apaisés du concert. Sa voix rauque jamais ne faiblit, son jeu de guitare reste fluide, dans l’énergie comme la douceur, quant à sa gestuelle, toujours élégante, entre petits pas de danse et mouvements de micro, elle évoque un romantique qui aurait le sens de l’humour. Avoir la grâce, être aussi aérien, quoi de plus normal quand on s’appelle Angell (avec deux « L » de surcroît).

Le concert évidemment trop court, déclenche l’enthousiasme de la foule, pour les titres de l’album, comme pour les nouveautés qui laissent augurer d’un disque à suivre particulièrement enlevé. Jeff Angell rappelle, avant de conclure, la joie qu’ils ressentent invariablement de se produire à Paris (trois fois en à peine un an) et propose de se retrouver pour des dédicaces et conversations à l’issue du set.

C’est ainsi que je me retrouve ensuite à échanger quelques mots avec lui. Avec la sobriété de fan qui me caractérise, je lui déclare tout de go, en le remerciant : « thank you for keepin’ this thing alive and us with it  ». Avec un grand sourire il me déclare qu’il ne croit pas qu’il y ait mieux à faire de sa vie. Je bondis alors sur une citation qui s’impose : « But what can a poor boy do, Except to sing for a rock n roll band ? » (The Rolling Stones in « Street Fighting Man »). Avec un grand sourire, il acquiesce par un sonore et enjoué « Amen !!! ».

Je dis ensuite ma joie à Barrett Martin de l’avoir enfin vu derrière sa batterie (vingt ans d’attente quand même), puis me dirige vers un Duff Mc Kagan hilare, dédicaçant tout ce qu’on lui tend. Il commence par me féliciter pour mon tee-shirt (Ghost), me précisant avoir le même à la maison. J’évoque avec lui le caractère irréel de pouvoir deviser avec lui, il me sourit et signe mon disque (vinyl). Les moments miraculeux, ne jamais perdre la conscience de les vivre.

Alors, qu’est-ce qui fait encore courir Duff Mc Kagan ? Ce serait donc la bonne musique, la joie d’en faire et de la partager. Ce refus de l’embourgeoisement fait de sa vie une belle course contre la mort du rock. Amen.

Sébastien Bourdon

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