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The boys were back in town

Thin Lizzy – Le Bataclan, 26 janvier 2011

vendredi 28 janvier 2011, par Sébastien Bourdon

N’ayons pas peur de l’affirmer haut et fort, aimer Thin Lizzy distingue le vrai mélomane des autres, même l’authentifie.

Béotiens, ne vous fiez pas aux petites moustaches et aux pantalons de cuirs moulants, le hard-rock peut être une musique élégante et subtile, Phil Lynott (basse, chant) avec ce groupe l’a prouvé, ce travail n’est donc plus à faire. Le plus beau slow du monde n’est pas « Still Lovin’ You » de Scorpions, mais bien « Still in Love with You » de Thin Lizzy (qui est peut-être même la plus belle chanson du monde et d’autres choses encore).

La seule faute de goût commise par Phil Lynott est d’être mort trop tôt, le 4 janvier 1986, de multiples lésions aux reins, au foie et au cœur, résultant de penchants que la médecine déconseille généralement (drogue, alcool etc.). C’était un type formidable, irlandais par sa mère, afro- sud-américain par son père, chanteur à la voix de velours et bassiste subtil et funky. Mais de la rock star, il avait tous les vices, il en est mort.

Il existe une internationale du fan de Thin Lizzy que l’on distingue dans le monde entier par le port de tee-shirts simplement affublés de ce seul nom glorieux (je n’en avais pas, j’ai évidemment rattrapé ce manque au merchandising). Et cette cohorte passionnée revendique le légitime besoin d’entendre à nouveaux ces chansons, même si leur interprète est mort. Je me souviens ainsi de la joie à la guinguette de Rouffiac (Charente-Maritime) lorsqu’un groupe de reprises local s’était fendu d’une interprétation tout à fait honorable de « The Boys are Back in Town » (1976). Il était forcément assez triste que ce moment fugace constitue ma seule expérience live de la musique de Thin Lizzy. Du coup, je me suis rué sur les places lorsque j’ai appris que cet ersatz de Thin Lizzy passait en ville (de la grande époque restent, un guitariste, Scott Gorham, le batteur, Brian Downey et le clavier Darren Wharton).

Certains ont crié à l’infamie, comment oser s’appeler Thin Lizzy alors que Phil Lynott n’est plus de la partie ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ai-je pensé et je n’ai pas eu tort parce que la soirée fut tout bonnement exceptionnelle.

Le frontman disparu était remplacé, pour la voix, par Ricky Warwick, irlandais qui avait connu une fugace heure de gloire avec le groupe The Almighty mais qui avait un peu disparu des prompteurs depuis plusieurs années. A lui la tâche difficile de remplacer le mort, mais avec morgue, générosité et surtout une très belle voix, il a admirablement trouvé sa place et redonné vie à la musique, sans tomber dans la vaine tentative d’une copie qui n’aurait pu être que mauvaise. Il arborait également une guitare sur pratiquement tous les morceaux, car trois guitares, non, pas du tout, ce n’est pas trop.

Les autres postes étaient pourvus par des membres de la « famille ». A la basse, Marco Mendoza (ex Whitesnake) et, à la guitare, Vivian Campbell (ex Def Leppard et Dio notamment). Ce dernier nous a littéralement fascinés, ses doigts sur sa guitare ont tricoté des pulls à même de réchauffer les âmes plus refroidies.

Mais de quelle famille parle-t’on finalement ? De celle des rockers anglais des années 70. Ces duos de guitares, cette rythmique tout en swing et en groove (du shuffle en veux-tu en voilà), cette école de l’élégance dans la sauvagerie est la marque des grands musiciens de la Perfide Albion (Brian May de Queen, Tony Iommi de Black Sabbath, David Gimour des Pink Floyd, Fast Eddie Clarke de Motörhead…). Tirer de son instrument des notes aussi délicates qu’un thé au jasmin, mais avec autant de caractère que le plus noir des Assam. Chez Thin Lizzy, l’exercice se joue à deux guitares lead, concept que l’on retrouve chez d’autres héros du genre, avec plus de tranchant mais pas moins de lyrisme (Judas Priest, Iron Maiden…).

Ce soir là au Bataclan, tant Brian Downey derrière ses fûts (« the place where he belongs », comme l’a rappelé Rick Warwick), que Scott Gorham avec sa guitare, nous ont rappelés brillamment aux souvenirs de cette époque révolue, mais encore tellement lumineuse. Ils sont maintenant vieux ces mousquetaires du beau bruit, mais ils n’ont cessé de savourer leur joie d’être encore là, justement acclamés pour leur capacité à nous restituer, parées de tous leurs éclats, des pépites telles que « Emerald », « Black Rose » ou « Cowboy Song » (et tant d’autres encore, on a encore pu vérifier à quel point le répertoire de Thin Lizzy est sidérant).

Le sourire continu de ce digne sexagénaire qu’est Scott Gorham est un souvenir à conserver comme un sésame précieux brandi face aux misères de l’existence. Qu’est-ce qu’on fera quand on sera – encore plus – vieux ? Du rock n’ roll, comme avant, comme au début. Comme le chantait Brel, « il nous fallut bien du talent pour être vieux sans être adultes ».

Vers la fin du concert, nous avons repéré un type assis à l’arrière de la scène, tout sourire. Nous avons tout de suite reconnu Nicko Mc Brain, ci-devant batteur d’Iron Maiden, qui semblait au moins aussi heureux que nous de voir ce groupe renaître de ses cendres et enflammer un public venu en masse croire aux miracles qui se réalisent.

Sébastien

P.S. qui n’a rien à voir : Le ciné près de chez moi pour les journées pluvieuses (et les autres jours aussi d’ailleurs) nous proposait La Belle et la Bête de Jean Cocteau (1945). Etonnamment, un film que je n’avais jamais vu, mais dont les images sont tellement connues que j’ai eu l’impression de le revoir.

A certains égards, la magie de l’enfance est là, avec une France médiévale de pacotille, contribuant à créer une atmosphère belle et effrayante de conte de fées. Mais, Cocteau est plus motivé par une intention esthétique que par un souci de parler de fond ce qui rend le film peu palpitant à l’âge adulte.

Il règne tout de même un érotisme latent – Belle est subtilement vulgaire – et un peu d’une sauvagerie de bon aloi – biche morte sanguinolente dans le jardin de la Bête – du coup, on se laisse porter par l’imaginaire et les fantasmes de l’auteur. C’est parfois beau à couper le souffle (l’arrivée du père égaré dans la nuit au château de la bête), mais c’est aussi un peu fragile (Jean Marais est quand même un peu ridicule et sur-joue mal à peu près tout).

Mais les enfants ont eu peur et ont aimé, le film projeté a donc rempli la mission qui lui était impartie.

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