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The Creature Lives

Mastodon, le 20 janvier 2012, le Bataclan

jeudi 26 janvier 2012, par Sébastien Bourdon

La dernière fois que j’ai vu Mastodon, c’était au Trabendo au mois de juillet 2009, nous avions eu le plaisir d’y rencontrer le député Patrick Roy et de deviser avec lui. Cette modeste chronique est évidemment dédiée à la mémoire de ce mélomane républicain.

A l’issue de la même prestation, nous avions également rencontré les membres du groupe qui, à l’issue du concert, étaient directement descendus de la scène pour venir se frotter à leurs fans, dans un bel élan convivial. J’avais ainsi pu obtenir dédicace et photographie de leur extraordinaire batteur, Brann Dailor, entretenant ainsi mes modestes joies de fan transi. Et puis, le temps passe, le succès – mérité – gagne et cette fois, pour rencontrer le groupe, il fallait être tiré au sort à l’issue d’un concours. Je n’ai même pas essayé d’y participer, c’est quand même tout de suite moins bien. D’ailleurs, aussi somptueuse que fut la soirée, force est de constater que le concert fut également moins réussi.

Comme me l’écrivait un pianiste de mes amis l’autre jour à propos de Metallica, « Ce n’est pas mon style, la saturation me fatigue très vite, mais au moins c’est authentique et recherché ». Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en cette soirée parisienne de janvier, il aurait été servi… C’est un véritable bloc de saturation électrique qui nous est tombé dessus, sans crier gare.

Ce souci de jouer fort et brutal vient peut-être de ce qu’il leur a été reproché, avec leur dernier opus en date, « The Hunter » (2011), de flirter avec une relative facilité dans la composition comme dans la production. Pire, ils ont été taxés de groupe pour les « hipsters » (les bobos qui vivent de l’autre côté de l’Atlantique). Ils ont certes renoncé– un peu – avec ce dernier album à leur veine « stoner progressif » et aux albums conceptuels, mais il faut savoir raison garder, on est encore loin d’un disque pop-rock. Et la créativité débordante de ces garçons n’est pas éteinte, loin s’en faut. Et puis, c’est quand même mieux quand il y a un peu de filles dans la salle.

En tout cas, vendredi soir, on ne fit, ni dans le détail, ni dans la dentelle. Le répertoire fut ainsi axé sur leurs premiers efforts discographiques, en alternance avec des extraits du dernier album. Ainsi, hormis quelques respirations, nous avons été littéralement assommés par la frange la plus alambiquée et la plus brutale de leur répertoire. Le son étant un peu brouillon, cela pouvait quelque peu desservir cette orientation artistique pour le moins intense.

Mastodon, grâce notamment au jeu riche et détonnant du batteur Brann Dailor, tout en percussions et roulements, m’évoque une sorte de free jazz joué fort (très fort), avec des parfois de vrais bouts de mélodie dedans et de beaux blocs compacts de métal en fusion. A l’écoute renouvelée de ces garçons, l’on peut également trouver que leurs rythmes étranges, leurs riffs alambiqués, les font plutôt sonner comme un groupe européen que comme un conglomérat de rednecks tout juste extraits des rives boueuses du Mississipi. Leurs disques à thème sur les éléments comme la terre (Blood Mountain 2006) ou l’eau (Leviathan 2004), avec des atmosphères marquées par Hermann Melville ou la Russie tsariste confirment largement cette impression. Musique compliquée et intense, aux références subtiles, c’est sur ce terrain que se positionne Mastodon.

Il était de ce fait un peu regrettable que les variations d’atmosphère que le quatuor peut produire n’aient ainsi pas été totalement mises en valeur lors de ce dernier concert. L’impasse quasi-totale faite sur leur avant-dernier album, Crack the Skye (2009), en était l’illustration la plus flagrante. Ce chef d’œuvre recèle des pièces sublimes et las, si ce fut la plus belle (le titre éponyme), ils n’en interprétèrent (sauf erreur), qu’une seule (alors qu’en juillet 2009, ils avaient joué l’intégralité dudit album, ce qui s’agissant d’un disque alors tout juste sorti, relevait d’une démarche artistique aussi intègre que courageuse). On était donc parfois un peu abasourdis par cette intensité de jeu, comme écrasés par ce mur sonore.

Le groupe est généralement peu disert, mais à la fin du show, le batteur s’est emparé du micro pour nous remercier chaleureusement d’être à chaque fois plus nombreux et plus enthousiastes. Ce groupe conserve indéniablement sa fraîcheur et occupe une place particulière dans la scène actuelle, pourvu que ça dure.

Sébastien

P.S. la première partie a, une fois n’est pas coutume, soulevé l’enthousiasme. Red Fang joue un stoner poisseux et décalé, plus que recommandable (et donc recommandé).

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