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Shabbat Shalom

John Zorn en concert à la Salle Pleyel - juin 2008

vendredi 27 juin 2008, par Sébastien Bourdon

Hier soir, devant Pleyel, en cette période de soldes d’été et de fin de journée de bureau, se croisaient des mondes parallèles : les abonnés à Pleyel (reconnaissables souvent à leur âge avancé et à leur démarche claudicante), les étudiants en lettres ou en cinéma, les indéfinis (genre moi) et oh surprise, quelques porteurs de tee-shirts estampillés Mr Bungle ou Black Sabbath.

Car évidemment, Mike Patton est passé (et passe encore) par Zorn et a amené vers le free-jazz et le klezmer une population qui n’a finalement pas à démontrer son ouverture d’esprit, tellement cela relève de l’évidence même.

Propos de dîner d’avant-concert :

Moi : « Lorsque Zorn sort son saxophone, ça troue littéralement les murs. »

Bertrand : « Moi ça m’évoque plutôt du sang qui gicle ».

C’est le genre de conversation qui réchauffe le cœur de la jeune mère de famille qui s’apprête à se poser trois heures dans la salle de concert... Heureusement, elle en est finalement sortie ravie.

Ce qui nous était proposé hier soir, dans le cadre de la « Masada Book Two : The Book Of Angels » ce n’était pas moins de trois sets différents :

Le Masada String Trio (violon, violoncelle et contrebasse sous la direction du maître, John Zorn) puis Bar Kokhba (les mêmes que précédemment auxquels s’ajoutaient guitare, batterie et percussions) et enfin Masada, c’est-à-dire le mondialement célèbre quartet composé de Zorn au saxophone ténor, accompagné de ses fidèles Douglas à la trompette, Cohen à la contrebasse et Baron à la batterie.

Très vite, nous avons été plongés dans un extraordinaire bain - à remous - de musique, dès la 1ère partie, et plus encore durant la seconde, c’était comme si les notes ne cessaient plus de se déverser sur nous, de nous envahir, de nous posséder, jusqu’à nous tirer des larmes.

La troisième partie, Masada, était plus âpre, mais l’approche collective de cette musique très écrite et complètement libre était passionnante à observer.

Car la musique de John Zorn est tout sauf un moyen de se distraire, cette sensation tant prisée chez les amateurs de Sinclair (chanteur « facultatif » selon Thomas VDB) ou de « ch’tis ». En effet, ce musicien et compositeur s’ancre dans la réalité du monde, dans sa violence, comme dans sa beauté. Ici, il y a du romantisme, de la mélancolie, mais l’on s’aventure aussi dans la dissonance, le bruit, la sueur et même la peur. On est à la fois déconcerté par cette absence totale de limites et régulièrement happé par la beauté du son, par l’audace et la musicalité folles des interprètes. La pluie dans les rues de New York est balayée par le sable oriental et projetée dans le ghetto de Varsovie. Tout cela était proprement bouleversant et enthousiasmant.

Dans les travées de Pleyel, spectacle incongru, une jeune femme s’est levée et s’est mise à danser. Le public déchaîné (les gens hurlaient, on se serait presque cru à Cavalera Conspiracy) a fait revenir de nombreuses fois les troupes musicales pour des rappels incroyables.

Cela s’est terminé par le retour en solitaire du violoncelliste Friedlander qui nous a joué quelque chose d’indéfinissable, à décrocher un instant l’âme.

Zorn et les siens reviennent à Pleyel l’an prochain pour réinterpréter la musique de Gainsbourg, à bon entendeur...

Sébastien

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